Vous ne les avez pas vu à une cérémonie de remise de la Légion d’honneur, ni être salués par un discours de politique générale, encore moins avoir suscité des commentaires admiratifs d’experts en plateau-télé soudainement devenus bienveillants. Ils et elles se dévouent pourtant, par leur métier, à faire tenir la société, tache ardue par les temps qui courent tant les forces centrifuges sont nombreuses.
Leur travail nécessite empathie, respect pour autrui et rigueur. Bref, tout le contraire de ce que le triste spectacle politico-médiatique nous offre chaque jour. Prenez ces infirmiers, psychologues, assistantes sociales, ou psychiatres dont Basta! vous conte l’initiative. Une part de plus en plus importante des ados souffre de mal-être. Leur santé mentale se dégrade, les études sont alarmantes, mais aucune politique de santé publique ne semble poindre pour prendre cette grave question à bras-le-corps.
Au contraire même, on leur répond « choc des savoirs », « performance » ou « uniformes à l’école », tout en hypothéquant leur avenir sur une planète en surchauffe. Qu’importe, ces personnels soignants créent une « unité d’intervention de psychiatrie pluridisciplinaire » (c’est à Nantes) pour tenter de répondre le plus vite possible aux appels à l’aide des jeunes. Une goutte d’eau certes, mais qui pourra en inspirer d’autres.
Prenez ces éducateurs de quartier et cette chercheuse, scandalisés par l’injustice que représentent les amendes forfaitaires qui ciblent des groupes de jeunes de certains quartiers de Paris et sa banlieue. Ces amendes forfaitaires sont délivrées directement par des policiers, sur simple constat qu’un éventuel petit délit aurait été commis (selon l’appréciation des policiers), ce qui laisse une large place à l’arbitraire. Surtout quand la tête ou la couleur de peau des gamins, contrôlés pour la énième fois de la journée, ne revient pas à l’agent assermenté. Grâce à l’écoute, à l’action et au travail de documentation de ces éducateurs et de cette chercheuse, l’affaire est remontée jusqu’au Conseil d’État.
Prenez cet officier de la pénitentiaire qui raconte son travail dans des prisons toujours plus surpeuplées. « Je pensais travailler avec des hommes aux parcours de vie cabossés et essayer de construire avec eux des perspectives d’avenir. J’étais complètement à côté de la plaque. Il n’y a que la sécurité qui compte en prison », nous dit-il.
Prenez ces agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui étudient les demandes d’asile. Ils s’entretiennent avec des réfugiés qui, souvent, ont une terrible histoire de vie, parce qu’ils ont été menacés ou persécutés dans leur pays d’origine et pendant leur périlleux parcours vers l’Europe, encore perçue comme terre d’asile.
Les agents de l’Ofpra doivent écouter ces migrants, documenter leur dossier, faire preuve d’empathie, avec des moyens limités et une absurde politique du chiffre, dans un contexte où nombre de personnalités politiques et de commentateurs vomissent leurs mépris, leurs clichés réducteurs, voire leur racisme à l’encontre des migrants.
Envers et contre tout, des hôpitaux aux bureaux de l’Ofpra en passant par les maisons d’arrêt, ces personnes rencontrées par Basta! tentent de bien faire leur travail au-delà des injonctions à la réduction des dépenses et de l’hospitalité envoyées par le gouvernement. Il y a bien évidemment bien d’autres métiers dans ce cas, enseignantes et enseignants, gardiens et gardiennes de la paix ou agentes et agents de France Travail sont soumis à ce type d’injonctions.
Suite à ce 1er mai, c’est à tous et toutes ces salariés, travailleuses, agents et agentes des services publiques qui ne cèdent pas à l’indifférence et à l’inhumanité des chiffres ou des préjugés. Ils et elles sont l’honneur de notre société (encore) démocratique.
Ivan du Roy
Photo : © Anne Paq