Ethique

Affaire Khashoggi : ces multinationales françaises qui refusent de boycotter le régime saoudien

L’année dernière, les patrons des grandes multinationales s’étaient rendus en masse au premier forum économique organisé par l’Arabie saoudite, surnommé le « Davos du désert ». Cette année, les défections se sont succédées suite à l’assassinat présumé du journaliste Jamal Khashoggi par des agents du régime saoudien en Turquie. Google, EDF, Siemens ou Ford, les banques JP Morgan, HSBC, BNP Paris, Goldman Sachs, le fonds d’investissement BlackRock, ou même le géant de l’extraction de matières premières Glencore... Autant de firmes dont les dirigeants ont annoncé qu’ils ne se rendraient finalement pas à Riyad pour l’événement qui s’est ouvert le 23 octobre. Les secteurs de la finance et de la technologie sont particulièrement concernés. Plusieurs chefs de gouvernements ont également déclaré qu’ils annulaient leur participation. Parmi les entreprises qui ont résisté aux appels au boycott, celles du secteur de l’armement et du pétrole, dont la française Total.

Sauver les apparences éthiques sans couper les liens économiques

L’émoi international suscité par la disparition de Jamal Khashoggi et l’opprobre jetée sur le régime saoudien et son prince héritier Mohammed ben Salmane, quoique justifiés, font contraste avec la relative indifférence affichée vis-à-vis des atteintes aux droits humains ou de la répression d’opposants dont se rendent coupables bien d’autres gouvernements dans le monde. Mais surtout avec les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dont est accusée depuis plusieurs années l’Arabie saoudite dans le cadre de la guerre au Yémen. Cet émoi international rappelle les élans d’indignation et les appels aux boycott suscités par la politique de Donald Trump aux États-Unis - Trump dont les liens politiques et économiques avec la famille royale saoudienne sont d’ailleurs également mis en cause.

Cette désaffection ne signifie pas que toutes ces entreprises, qui se sont ainsi empressées de sauver les apparences éthiques, ont pour autant coupé leurs liens économiques avec le régime saoudien. C’est vrai pour les secteurs de l’armement et de l’énergie, dont le royaume est un client et un partenaire important. Quelques leaders politiques ont timidement évoqué la possibilité de cesser les livraisons d’armes à la coalition saoudienne, mais leurs appels ne trouvent pas beaucoup d’échos jusqu’à présent. C’est vrai aussi, plus discrètement, pour le secteur technologique. La Silicon Valley est traditionnellement soucieuse de préserver son image positive et inoffensive, mais le royaume saoudien a énormément investi ces dernières années dans des firmes comme Uber ou Tesla.

Ces PDG français qui refusent le boycott

Comme le note Libération, plusieurs des multinationales françaises dont les dirigeants se sont décommandés enverront tout de même bel et bien une délégation à Riyad. Certains PDG tricolores ont aussi refusé de répondre à l’appel au boycott, comme Sébastien Bazin d’AccorHotels, qui négocie actuellement de gros contrats en Arabie saoudite, ou encore Patrick Pouyanné, PDG de Total. Ce dernier a indiqué que son entreprise n’a « jamais été favorable aux mesures de sanctions et d’isolement » (lire l’enquête de l’Observatoire des multinationales sur la Russie et l’Iran) et qu’il souhaitait se rendre à Riyad « par fidélité ».

Total a fait ces dernières années d’importants investissements en Arabie Saoudite, avec notamment la construction de la raffinerie géante de Jubail, au moment où l’entreprise fermait celle de Dunkerque en France. Il y a quelques mois, Total et ses partenaires saoudiens ont annoncé la construction à proximité d’un immense complexe pétrochimique.

Olivier Petitjean

En photo : le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde en Russie / CC Service de presse de la Fédération de Russie