Allô Bercy

Aides publiques : ne sachant plus quoi faire de son argent, le CAC40 rachète en masse ses propres actions

Record de bénéfices, record de valorisation boursière, record de dividendes et de rachats d’actions. Toujours sous perfusion d’argent public, le CAC40 se porte bien et en fait profiter ses actionnaires.

Noyé sous les aides publiques, le CAC40 enchaîne les records depuis le début de l’année 2021. Après avoir approuvé 51 milliards d’euros de dividendes et rachats d’actions au printemps – soit 140 % de ses profits sur l’année -, il a enregistré plus de 57 milliards de bénéfices rien qu’au premier semestre, et surpassé son record historique de valorisation boursière en novembre. Ne sachant apparemment plus quoi faire de tout leur argent, les grandes entreprises françaises se sont mises à racheter massivement leurs propres actions en bourse pour en faire monter le cours.

D’après ses documents financiers, le CAC40 a procédé à 6 milliards de rachats d’actions propres au cours du premier semestre 2021. À partir de l’été, la machine s’est emballée. Selon les informations disponibles, les groupes français devraient procéder à des rachats d’actions supplémentaires pour au moins 11 milliards d’euros – flirtant avec le record annuel de 2007 (19 milliards d’euros), juste avant la crise financière globale. 17 milliards pour valoriser artificiellement le patrimoine de leurs actionnaires par une opération de pure ingénierie financière, qui auraient pu être consacrés à investir dans la transition climatique, à créer des emplois ou à augmenter les salaires.

17 milliards d’euros, c’est aussi de quoi financer 34 hôpitaux publics ou 400 lycées, de quoi employer 320 000 personnes au salaire moyen pendant un an, ou de rénover entièrement 340 000 passoires énergétiques.

Toujours plus d’argent, toujours plus de suppression d’emplois

En mai dernier, l’Observatoire des multinationales avait montré dans le rapport « Allô Bercy ? » [1] comment le gouvernement, en refusant de mettre des conditions aux aides publiques massives débloquées durant la pandémie, avait laissé carte blanche aux grands groupes pour prioriser les dividendes et supprimer des milliers d’emplois. Six mois plus tard, le tableau reste le même, comme le montre une nouvelle note de l’Observatoire des multinationales. Les groupes du CAC40 ont approuvé 3 milliards de dividendes supplémentaires (BNP Paribas, Alstom et Pernod Ricard) et ont commencé à verser des acomptes sur les dividendes 2022, qui s’annoncent spectaculaires. Dans le même temps, malgré la fin annoncée du « quoiqu’il en coûte », les aides publiques Covid ont été maintenues. D’autres viennent s’y ajouter, comme le plan « France 2030 » annoncé par Emmanuel Macron au mois d’octobre, chiffré à 34 milliards d’euros.

Ces sommes mirobolantes sont aussi à mettre en regard des emplois détruits. Le géant du luxe LVMH en a supprimé près de 13 000 en 2020, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser 5,3 milliards d’euros de bénéfice au premier semestre de l’année suivante. BNP Paribas, 5500 emplois passés à la trappe en 2020, a acté en septembre le versement d’un dividende supplémentaire de 2 milliards d’euros et un plan de rachats d’actions à 800 millions. Le grand champion des suppressions d’emplois en 2020 reste ArcelorMittal. Combien des 23 505 emplois supprimés en 2020 auraient pu être sauvés avec les 2,2 milliards d’euros dépensés en rachat d’actions cette année par ce groupe industriel ?

À la fois cause et conséquence des records boursiers récents du CAC40, le rachat d’actions propres est une pratique courante des grandes entreprises. C’est, avec les dividendes, une autre manière de favoriser les actionnaires. Le principe est simple : une entreprise rachète ses propres actions en vue de les annuler, et donc de réduire le nombre d’actions en circulation, augmentant d’autant la valeur du patrimoine détenu par leurs actionnaires.

Mélissandre Pichon, Olivier Petitjean

 Lire la note de l’Observatoire des multinationales : CAC40 : des records financés par l’argent public
 Voir le site de l’initiative Allô Bercy ? de l’Observatoire des multinationales

Notes

[1À lire ici.