Amazonie

Menacé par l’orpaillage illégal et la déforestation, le peuple Yanomami pourrait disparaître

Amazonie

par Jean-Francis Poulet

Comme tous les territoires amazoniens, celui des Yamonami sort détruit des années Bolsonaro. Contre l’orpaillage illégal qui meurtrit la nature et les peuples autochtones, le gouvernement de Lula agit enfin, mais la tâche demeure immense.

La démarcation officielle du territoire Yanomami date de 1992 : cela signifie que ces terres sont en théorie protégées et que le droit des populations autochtones y est reconnu par le gouvernement brésilien. Il s’agit de 90 000 km2 à la frontière entre le Brésil et le Venezuela, soit deux fois la superficie de la Suisse.

La population Yanomami est estimée à 38 000 habitants, selon les organisations Survival International et l’APIB (Articulation des Peuples Indigènes/autochtones du Brésil). Il s’agit d’autochtones vivant dans la forêt amazonienne et ayant historiquement très peu de contacts avec le monde extérieur. Ils n’ont pas les barrières sanitaires que le reste de la population a naturellement développées au fil du temps, ce qui les rend particulièrement vulnérables à diverses épidémies. Ils continuent de vivre de chasse et de pêche, selon des traditions ancestrales.

L’orpaillage : poison pour la nature et menace pour les autochtones

L’Amazonie est la région du monde où la biodiversité est la plus riche. En matière de faune et de flore, mais aussi de minerai. Elle suscite l’intérêt de ceux qui la voient comme un territoire dont les ressources pourraient favoriser le développement du pays. La misère dans laquelle continue de vivre une partie de la population brésilienne est cependant davantage causée par l’inégale redistribution des richesses qu’au combat des écologistes et défenseurs des populations autochtones qui empêchent l’exploitation et la destruction des matières. Mais ce n’est pas la question ici.

La principale menace qui pèse sur la population autochtone Yanomami est l’orpaillage illégal. Les chercheurs d’or commercent avec de grandes multinationales en Europe, en Arabie saoudite ou en Inde. Pour séparer l’or des alluvions, les orpailleurs utilisent du mercure, qui empoisonne l’eau des rivières, et provoque chez les populations locales une famine extrême et un manque d’accès aux soins face, notamment, à la malaria. Une étude de la police fédérale brésilienne a montré que le taux de mercure dans l’eau des rivières du territoire Yanomami était 8600 fois supérieur à la norme autorisée.

En plus, les services de santé ont été chassés de certaines zones par des orpailleurs. Sans oublier les massacres et les viols que ces groupes armés commettent. Un trafic d’être humain s’est même mis en place, en particulier le viol organisé de filles et adolescentes en échange d’alcool ou nourriture.

Le cacique yanomami Davi Kopenawa, référence reconnue internationalement, que l’on peut voir dans l’indispensable documentaire de Luiz Bolognesi La dernière forêt (sur Netflix) fait partie de ceux qui ont sonné l’alarme. Tout comme Sumaúma, un nouveau média cofondé par la journaliste Eliane Brum, dont le travail d’investigation est crucial.

Avec Lula, l’espoir renaît

De retour aux affaires depuis le 1er janvier 2023, le président brésilien Luis Inácio Lula da Silva a créé un ministère des Populations autochtones, confié à Sônia Guajajara (militante écologiste et des droits autochtones, élue députée fédérale), qui lutte depuis des décennies pour défendre leurs droits. Une de ses premières mesures est de demander à Lula de l’accompagner visiter le territoire Yanomami. La présence du président garantit celle de la presse – qui ne couvre que rarement cette région – et symbolise un changement radical dans le traitement de cette question par le gouvernement brésilien.

Il est important de prendre conscience que la catastrophe humanitaire qui touche les populations autochtones du Brésil (et dont les Yanomami ne sont hélas que l’exemple le plus spectaculaire) n’est pas le résultat de l’inaction du gouvernement Bolsonaro, mais de son action.

Le mépris pour les populations autochtones ainsi que pour les questions environnementales explique en partie le peu d’investissement des gouvernements brésiliens successifs depuis la transition démocratique. Sous la présidence de Bolsonaro, nous sommes passés à autre chose. Jair Bolsonaro – qui raconte avoir été lui-même orpailleur – a sciemment et ouvertement encouragé l’orpaillage illégal et coupé les vivres aux organismes qui pouvaient venir en aide aux populations les plus fragiles, allant jusqu’à remplacer les responsables de ces institutions par des représentants de leurs pires adversaires. Il a, par exemple, nommé au ministère de l’Environnement Ricardo Salles, condamné pour violation du droit environnemental [1]

Les crimes de Bolsonaro

L’assassinat, très médiatisé en 2022, du journaliste Dom Phillips et de l’anthropologue Bruno Pereira est d’ailleurs lié à la protection des populations autochtones. Bruno Pereira a été renvoyé de son poste à la Fondation nationale de l’Indien (Funai, organisme fédéral) après l’arrivée de l’extrême droite aux affaires à cause de son engagement contre l’orpaillage. C’est parce qu’il a continué à défendre l’Amazonie, sans protection institutionnelle, qu’il a été assassiné.

Pendant le mandat de Bolsonaro, le rythme de la déforestation a augmenté de 304 %. Plus de 500 enfants yanomamis sont morts de causes évitables. Plus de 20 000 orpailleurs ont envahi le territoire Yanomami depuis 2018. Pour ces raisons, une plainte pour génocide a été déposée contre Bolsonaro au Tribunal pénal international de la Haye.

Heureusement, le nouveau gouvernement semble avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Une opération de grande envergure a été initiée pour apporter une assistance sanitaire et expulser les orpailleurs. L’armée a désormais l’autorisation d’abattre les avions d’orpailleurs qui survolent le territoire Yanomami. C’est un changement radical de politique qui semble porter ses fruits puisqu’ils ont commencé à quitter en masse la région. Il reste encore à s’assurer de ne pas simplement déplacer le problème vers d’autres territoires protégés. On le voit, la tâche est immense.

Jean-Francis Poulet, anthropologue, traducteur et membre de l’association Autres Brésils.

En photo : 200 peuples autochtones du Brésil ont participé en avril 2022 à Brasilia à une mobilisation pour le respect de leur territoire et contre la politique raciste du gouvernement d’extrême droite de Bolsonaro / CC Mídia Ninja

Notes

[1Il est également visé par une enquête pour sa possible implication dans le trafic illégal de bois.