Austérité

Augmentation des loyers et des expulsions, baisse des aides au logement

Austérité

par Ivan du Roy

Le gouvernement a décidé de diminuer l’Aide personnalisée au logement (APL) de manière uniforme pour les 2,7 millions de ménages qui en bénéficient. Cette baisse de 5 euros par mois, soit 60 euros par an, peut paraître anodine pour les personnes disposant de revenus corrects. Mais elles frappent prioritairement les ménages les plus pauvres et les étudiants en situation précaire, dans un contexte où les loyers poursuivent leur augmentation. 90 % des ménages qui perçoivent l’APL sont locataires. Cette aide publique, qui s’élève à environ 230 euros en moyenne par mois, représente un coup de pouce précieux pour acquitter son loyer. Elle est accordée sous condition de ressources – l’épargne et un éventuel patrimoine sont pris en compte – ainsi qu’en fonction du montant du loyer. « Une personne seule par exemple ne touche plus les APL si elle gagne plus de 1,1 Smic par mois », rappelle la Fondation Abbé Pierre. Soit 1265 euros nets par mois.

Pour un étudiant non boursier vivant seul, les aides au logement, dont l’APL, constituent plus de 10 % de son budget moyen, estimé à 714 euros par l’Observatoire de la vie étudiante [1]. « Les ressources qu’offrent les APL sont donc essentielles pour ces étudiants puisqu’elles constituent la seule aide financière étatique », commentait la Fédération des associations générale étudiantes (Fage). « Alors que plus de 60 000 bacheliers sont en détresse, faute d’affectation, la poursuite d’études se voit aujourd’hui doublement remise en cause », critique le syndicat étudiant suite à l’annonce gouvernementale. Pour l’Union nationale des étudiants de France (Unef), qui demande au contraire une revalorisation de l’APL, 800 000 étudiants sont concernés.

Des familles « pour lesquels chaque euro pèse »

La moitié des allocations logement sont versées aux ménages les plus pauvres, « pour lesquels chaque euro pèse », souligne également Droit au logement (DAL). La mesure « épargne ceux qui profitent des loyers chers et se sont enrichis depuis 15 ans ». « Ce n’est ni aux ménages modestes, ni aux étudiants, ni aux locataires HLM de payer le logement cher ! » déplore l’association. Même l’ancien grand patron Louis Gallois, désormais président de la Fédération des acteurs de la solidarité (qui rassemble toutes les grandes organisations caritatives ou humanitaires françaises), dénonce une mesure « aveugle » qui « frappe en premier lieu les plus pauvres ». « Non seulement elle met à mal la solvabilité des locataires, mais aussi le pouvoir d’achat, car pour une personne qui touche le revenu de solidarité active (RSA), 5 euros en moins par mois, c’est significatif. Je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec d’autres mesures annoncées, comme celle de réduire l’impôt sur la fortune, qui va coûter plusieurs milliards d’euros », détaille Louis Gallois dans une interview au Monde.

Pour la logique comptable du gouvernement, 5 euros de moins pour 2,7 millions d’allocataires, cela représente une économie globale de 135 millions d’euros par an. La mesure devrait entrer en vigueur en octobre. Comparée à la fraude fiscale, estimée au minimum à 60 milliards, l’économie attendue est dérisoire.

Record des expulsions locatives

Cette baisse des APL intervient alors que les loyers continuent leur progression. Au premier trimestre 2017, les loyers ont augmenté en moyenne de 0,51 % en France, la plus forte hausse enregistrée depuis trois ans selon l’Insee. Un studio de 10 à 15 m² se loue, à Paris, principale ville universitaire, entre 400 et 1000 euros par mois ! Parallèlement, les expulsions de logement pour impayés n’ont jamais été aussi élevées. En 2016, 15 222 familles ont été expulsées de leur logement avec le concours de la force publique. « Triste record, qui confirme la tendance de long terme, avec une augmentation de 140 % en 15 ans ! Sans oublier que deux à trois fois plus de ménages quittent leur domicile avant l’arrivée des forces de l’ordre, sous la pression de la procédure », a réagi la Fondation Abbé Pierre début juillet.

Le 11 juillet, à Angers, une centaine de personnes, dont une trentaine d’enfants, ont été expulsées de bâtiments publics qu’elles occupaient, sur ordre de la préfecture. « Ni enquête sociale ni hébergement n’ont été proposés ou mis en place. Leurs appels au 115 (le Samu social) n’ont pas abouti depuis », proteste le DAL. C’est probablement une autre manière de réaliser des économies : une famille qui vit dans un bidonville ou un camp de fortune ne peut demander l’APL.