D’après un rapport de l’ONG néerlandaise Pax publié aujourd’hui, les institutions financières privées ont investi 525 milliards de dollars dans des entreprises participant à la production d’armes nucléaire, entre janvier 2014 et octobre 2017. 329 banques, sociétés d’assurance, fonds de pension et gestionnaires d’actifs sont concernées dans 24 États.
Si le top 10 de ces investisseurs se situe aux États-Unis, Pax identifie BNP Paribas et le Crédit agricole parmi les plus gros financeurs européens, ainsi que la banque britannique Barclays. Les entreprises financées ciblées par l’étude sont les 20 premières société privées produisant des systèmes d’armement nucléaire. On retrouve par exemple Airbus, Safran ou Thalès, qui sont impliqués dans la production, l’entretien et le renouvellement des missiles balistiques M51 de la marine française, lancés à partir de sous-marins. L’entreprise britannique BAE Systems contribue également à l’arsenal français via la joint-venture MBDA (systèmes de propulseurs) et en fournissant des missiles air-sol à armement nucléaire pour la France.
Des politiques d’exclusion plus nombreuses mais encore insuffisantes
Pax relève que de plus en plus d’institutions financières mettent en place des politiques pour ne pas investir dans les producteurs d’armes nucléaires. L’ONG cite en exemple le fonds de pension néerlandais ABP ou le fonds de pension du gouvernement norvégien, deux des cinq plus gros fonds de pension au monde, qui se sont engagés à exclure de leurs financements les entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires, car celles-ci ne sont pas compatibles avec leurs politiques d’investissement durable et responsable. D’autres banques sont saluées pour leur éthique sur ce sujet, comme Banca Etica (Italie) ou la banque Triodos (Belgique et Pays-Bas).
En France, si BNP Paribas et le Crédit agricole ont adopté des restrictions d’investissements sur les armes nucléaires, celles-ci ne sont pas encore suffisantes pour couper tous les liens avec le secteur. Le Crédit Agricole semble limiter l’armement nucléaire aux ogives, s’autorisant le soutien aux industriels impliqués dans la fabrication de tous les autres composants. Si BNP Paribas a une définition plus complète de ce que constitue une arme nucléaire, la banque n’applique sa politique d’interdiction que vis-à-vis de ses nouveaux clients ou accords de financements, et prévoit des exceptions, dans les cas d’actifs gérés pour des tiers.
Les liens d’Axa et du Crédit Agricole avec des vendeurs d’armes controversés
Au-delà de l’armement nucléaire stricto sensu, le rapport de Pax permet d’identifier des liens entre des institutions financières et le secteur de l’armement. Ainsi, l’assureur Axa aurait investi plus de 1,4 milliards de dollars dans BAE Systems, entreprise de défense et d’aérospatiale britannique qui joue un rôle important dans la production d’avions militaires, mais fabrique aussi des chars de combats, obusiers ou fusils d’assaut. BAE Systems a notamment fourni des Eurofighter Typhoon à l’Arabie saoudite sur fonds de scandale de corruption, ainsi que des tanks et des missiles. Amnesty international a dénoncé l’utilisation de ces armes dans le cadre du conflit au Yémen. L’entreprise a également été mise en cause pour la vente de matériel de surveillance à la Tunisie ou l’Arabie Saoudite.
Le Crédit Agricole a quant à lui investi plus d’1,8 milliards de dollars dans l’entreprise Lockheed Martin, numéro un mondial de la défense et de la sécurité, notamment connu pour ses avions de combats. Ses F16, et ses missiles Hellfire auraient été utilisés par l’armée israélienne lors de l’opération « Plomb Durci » à Gaza en 2009, qui selon Amnesty international a visé indistinctement des cibles militaires et civiles, faisant des centaines de morts y compris des enfants, et pouvant constituer des crimes de guerre. Le géant américain vend également des armes à l’Égypte ou à l’Arabie saoudite, en dépit des risques de violations des droits humains et du droit international par ces deux États.
Photo : tir d’un missile à tête nucléaire M51, de fabrication française / © DGA