Etat policier

Egypte : trois ans de prison pour manifestation illégale

Etat policier

par Lala Hakuma Dadci

Jeudi 19 décembre 2013, 23h30. La police égyptienne s’introduit dans les locaux du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECESR) dans le centre-ville du Caire. Elle menace l’un des membres de l’équipe en lui introduisant une arme dans la bouche, frappe un autre, ravage les locaux de l’association et détruit tout son matériel. Six membres de l’association sont arrêtés sans mandat, puis emmenés dans différents centres de détention tenus secrets.

Le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux défend les droits des travailleurs et des citoyens égyptiens. Récemment, l’association s’est battue contre la loi limitant le droit de grève, mise en place par le gouvernement intérimaire. Elle publie également des rapports critiques envers les politiques des gouvernements successifs, et pointent les conflits entre des travailleurs et leur entreprise. Une activité que ne semble plus tolérer le régime actuel pour qui, à l’évidence, l’ECESR apparait comme une menace. C’est donc dans un climat de grande tension, et de refus de toute critique venant de la société civile, que le nouveau pouvoir égyptien en revient aux pratiques d’un État policier hérité de la dictature Moubarak.

Suite à la descente policière, des avocats issus de plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme ont interpellé le procureur général. Et lui ont signifié que sa responsabilité personnelle est engagée pour toute autre attaque qui pourrait avoir lieu. Cinq des membres de l’association ont été relâchés dès le lendemain. Parmi eux, Mohamed Adel, porte-parole du mouvement des jeunes du 6 avril, l’un des mouvements les plus actifs lors de la révolte en 2011 et l’occupation de la place Tahrir, qui a permis de chasser du pouvoir Hosni Moubarak.

Mohamed Adel, et deux autres militants du mouvement du 6 avril, Ahmed Maher, Ahmed Douma, ont été condamnés le 22 décembre à 3 ans de prison et 50 000 livres égyptiennes d’amende. Motifs invoqués : organisation de manifestations sans préavis et agression des forces de sécurité en charge de la protection du palais de justice lors d’une manifestation pacifique contre la constitution et les pouvoirs démesurés donnés à l’armée, le 30 novembre 2013. Une dizaine d’organisations dénoncent publiquement ce verdict, asséné sans preuves et sans enquête [1]. Pour l’instant, sans véritable appui international... Les violations des droits de l’Homme à répétition en Égypte laissent entrevoir de sombres perspectives de retour à l’époque pré-révolutionnaire.

Notes

[1Mohamed Adel a été convoqué un première fois devant la Cour de justice fin novembre, mais le juge n’a pas fait de mandat d’arrestation.