Bidonvilles

Calais : quand les autorités sanitaires traitent les migrants comme des animaux

Bidonvilles

par Passeurs d’hospitalité

Syriens, Afghans ou Érythréens, ils fuient des conflits ou des persécutions. Ils sont plus de 500 à vivre dans des camps de fortune sur le port de Calais et aux alentours, attendant de passer en Angleterre ou de recevoir une réponse à leur demande d’asile en France. Leurs conditions sanitaires catastrophiques favorisent le développement d’épidémies de gale. En parallèle d’une expulsion de ces bidonvilles, la préfecture a proposé une prise en charge médicale. Dans des conditions profondément indignes. Témoignage.

En août 2009, lorsque Éric Besson, alors ministre de l’Immigration, préparait la destruction de la « Jungle de Calais » et des autres campements du Calaisis, une opération de traitement de la gale à l’attention des exilés avait été mise en place à Calais. Un examen médical était suivi de l’administration du traitement, d’une décontamination et d’une douche avec distribution de vêtements propres. Cela avait lieu dans trois tentes dressées à côté de la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS).

L’opération a duré un peu plus de deux semaines. Cette action avait été critiqué pour son manque d’efficacité : manque de communication et d’explication en direction des exilés, traitement limité aux seules personnes se rendant sur le site de la PASS, suivi insuffisant de la décontamination de l’habitat et de la literie. Mais au moins les patients étaient-ils vus par un médecin et accueillis dans un espace garantissant un minimum d’intimité et de confidentialité.

Une nouvelle « opération gale » a été mise en place le 27 mai 2014 par l’Agence Régionale de Santé (ARS), dans le cadre de l’évacuation de trois bidonvilles de Calais habités par des exilés. Elle dépasse en inefficacité celle mise en place sous Éric Besson. Et s’est déroulée dans des conditions profondément indignes.

L’ARS a installé son dispositif sous surveillance policière sur un lieu de distribution des repas, et au moment du repas.

Au milieu d’une cour bitumée, bordée de auvents, sont installées une rangée de chaises, une rangée de tables, où s’assoient les soignants volontaires.

De nombreux médias sont là : photographes, équipes de télévisions, journalistes, sont présents. Pour recevoir le traitement, vous devez vous présenter aux tables, au vu de tout le monde, sous l’objectif des caméras et des appareils photos. Aucune visite médicale n’est prévue. Aucune confidentialité ni aucune intimité.

Les exilés sont des gens dignes. Quasiment aucun n’a accepté de prendre le traitement dans ces conditions. Alors les volontaires de l’ARS sont allés dans la foule donner le traitement aux personnes que les interprètes acceptaient de convaincre, au petit bonheur la chance.

Le lendemain, pendant l’expulsion, ils proposeront aux personnes qui le souhaitent de monter dans des bus pour aller prendre une douche, partie complémentaire du traitement. L’ensemble des camps ont été démantelés le 28 mai. Les migrants sont autorisés à rester dans le lieu de distribution jusqu’au 30 mai. Avant de trouver un autre point de chute, « loin du centre-ville », selon les dires du représentant du préfet.

Ce témoignage et ces photos sont tirées du blog Passeurs d’hospitalités qui vise à informer, inviter à réfléchir, mieux faire comprendre, et sensibiliser à la situation des exilés à Calais.

Une lettre ouverte à l’attention de Manuel Valls, intitulée Exilés de Calais, la santé méprisée, a été envoyée le 27 mai par plusieurs associations [1]. Elle est téléchargeable ici.

Notes

[1Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture de Calais, Amnesty International, Fédération Entraide Protestante, Fondation Abbé Pierre, France Terre d’Asile, L’Auberge des Migrants, La Cimade, Salam NpdC, Médecins du Monde, Secours Catholique.