18 septembre

« Comment habiter le monde quand tout devient hostile » : le film Toxicily sort en salles

18 septembre

par Rédaction

En Sicile, l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe empoisonne depuis 70 ans l’environnement et les humains. Dans un contexte d’omerta et de résignation, le documentaire Toxicily donne la parole à celles et ceux qui luttent et survivent.

« Mieux vaut mourir d’un cancer que mourir de faim », entend-on sur la plage qui borde la raffinerie de ville de Augusta, située au Nord de Syracuse en Sicile. Sur une bande de côte de 20 kilomètres s’alignent des usines et des déchetteries. C’est en 1949 qu’y sont construites les premières industries. Progressivement, cette zone devient le passage obligé pour raffiner le pétrole du Moyen-Orient avant d’inonder le continent européen. Ainsi, depuis les années 80, Augusta est devenu le pôle pétrochimique le plus important d’Europe.

« Il faut se rappeler qu’au début ces industries ont été accueillies comme un miracle, relève François-Xavier Destors, auteur-réalisateur du documentaire Toxicily qui sort en salles ce 18 septembre. C’était un symbole de bien-être, un eldorado pour ce territoire à qui l’on promettait le plein emploi et la fin de l’émigration massive. Aujourd’hui, on a basculé dans un paysage angoissant qui inspire plutôt la peur, une sorte d’enfer postindustriel qui fait parfois penser à Blade Runner. L’emploi se maintient par le chantage et les jeunes veulent à nouveau partir. Comment a-t-on pu laisser se commettre, en plein cœur de l’Europe, un tel crime environnemental et humain ? Comment a-t-on pu permettre le sacrifice d’un site au potentiel si extraordinaire ? »

Ici, nombreux sont les habitantes qui ont eu un ou plusieurs cancers. Les cimetières sont anormalement remplis de personnes jeunes et d’enfants. « Il y a tellement de manières d’être contaminé au quotidien. L’ampleur du problème est criante, évidente, mais tous détournent le regard ou l’acceptent avec une sorte de résignation » ajoute François-Xavier Destors. Dans ce documentaire, celles et ceux qui ont accepté de parler tournent la tête vers l’ennemi, vers l’usine. Ils et elles sortent de cette résignation pour enfin regarder les choses en face, malgré les menaces et l’ombre de la mafia.

le squelette d'un flamant rose au bord d'une plage et d'un complexe pétrochimique
Affiche de Toxicily
Un film de François-Xavier Destors et Alfonso Pinto, 1h18.

Pollutions au mercure, aux métaux lourds, aux hydrocarbures, aux produits chimiques... Dès les années 1970, des expertises sont réalisées sur la situation sanitaire et environnementale. « L’une d’entre elles établit qu’en 1980 un décès sur trois à Augusta était dû au cancer, note Alfonso Pinto, co-auteur du film. À partir des années 1990, l’État reconnaît l’urgence sanitaire et environnementale de la zone et plus tard les communes du pôle sont classé ’’site d’intérêt national pour la dépollution’’. Pourtant, il n’y a pas encore eu de dépollutions. Tout le monde se rejette la responsabilité. »

Dans ce contexte quasiment « postapocalyptique », comment lutter quand on a épuisé les formes classiques de la lutte ? Comment habiter le monde quand tout autour de nous devient hostile ? Autant de questions qui guident François-Xavier Destors et Alfonso Pinto dans ce documentaire où ce qu’on voit à Augusta résonne bien au-delà de la Sicile.

 Sortie nationale de Toxicily le 18 septembre / JHR films

photo de une : Scène du documentaire Toxicily / JHR Films. © François-Xavier Destors