Créativité

« Le plus gros de mon travail c’est de regarder » : la vie onirique d’un poète ferrailleur

Créativité

par SideWays

A Lizio, dans le Morbihan, Robert Coudray a constitué un univers quasi-onirique : musée de mécaniques et personnages articulés à partir de ferraille récupérée, maisons superposées aux allures de châteaux féériques, poèmes et objets des plus curieux... Un univers que chacun peut venir découvrir, qui cherche à faire émerger l’enfant que nous étions, à redevenir créatif. Car Robert Coudray a longtemps cherché sa voie et expérimenté bien des chemins. De quoi inspirer et encourager celles et ceux qui sont en quête de nouveaux horizons. Un reportage multimédia de SideWays.

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Aujourd’hui, lorsqu’on arrive au musée de Lizio, on peut imaginer que le poète ferrailleur a toujours été cet hurluberlu qui fabrique depuis l’enfance des machines dans son garage. Que c’est une personnalité différente à laquelle il est difficile de s’identifier. Sauf que Robert Coudray est un homme comme les autres, à la différence, peut-être, qu’il essaye de suivre au mieux sa voie...

« J’étais admiratif des gens qui savaient d’emblée leur vocation : je veux être médecin, je veux être ceci, je veux être cela. J’avais vraiment envie de savoir ce que j’avais à faire. »

Pour Robert, la recherche a été longue. Pendant 20 ans, il a exercé de nombreux métiers : tailleur de pierre, photographe, crêpier, paysan, apiculteur... Il a également créé une ferme-auberge puis une coopérative bio. « Cela a été tout un parcours : d’essayer de créer, d’inventer des choses, de mettre en place... Ma créativité, elle s’exprimait alors par l’entreprise. » Son avantage, dès qu’il commence à s’ennuyer, rien ne l’empêche d’arrêter et de passer à autre chose. Il a toujours vécu avec peu de moyens. Il ne gagnait rarement plus que le SMIC. Alors il repartait, et se créait un autre métier.

« Ce qui nous empêche aujourd’hui souvent d’être fidèle à notre chemin c’est qu’on est trop riche : trop riche de choses, de certitudes, trop riche d’acquis, trop riche d’argent... et à un moment, on n’est pas capable de les lâcher. C’est ça qui est handicapant. »

Et alors qu’il avait ouvert sa cidrerie artisanale, il a commencé à exposer les mécaniques qu’il créait le week-end dans son garage. Petit à petit, des personnes venaient pour les voir. Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. « Si tu trouves ta voie, forcément il y a du bonheur et forcément aussi il y a des difficultés. Et à chaque fois, dans ton parcours, par période, il y a des petites épreuves et là c’est essentiel de rentrer dans la création. »

La création, cela signifie ne pas chercher mais laisser venir la solution. Cela signifie aussi ne pas connaître le futur. Ne pas pouvoir planifier, organiser. C’est fonctionner différemment de tout ce que l’on a nous appris depuis tout petit. La création, c’est mettre un pied dans l’inconnu. « Ce qui nous empêche d’avancer, c’est notre peur. Notre acte vivant, c’est d’être un funambule. Le funambule lâche un appui derrière lui, il marche sur un fil entre la terre et le ciel et il faut qu’il y aille. Et les premiers pas sont les plus durs... L’antidote à la peur, c’est la confiance. Et comment acquérir la confiance ? D’abord par l’expérience. »

Et l’expérience du plongeon dans l’inconnu, Robert l’a acquise. C’est ce qui lui a permis de se lancer des défis fous, comme de réaliser un film sans budget (ou presque) et avec plus de 600 bénévoles !

Ouvrir un café librairie et réaliser un film

Cela faisait plus de 35 ans que le film mûrissait dans son esprit. Les refus de financements ont été nombreux. Robert a dû se résoudre à faire le film sans budget ou à ne pas le faire. Avec sa femme, ils ont choisi la première solution. Ils ont réuni leurs amis, et ont lancé l’impulsion. Les questions qui se posaient ont trouvé leurs solutions, parfois avec beaucoup d’énergie et parfois avec les coups de pouce de la vie. Peu après la décision de faire le film, Gaétan est venu les trouver. Technicien du cinéma ayant un an de disponibilité, il a été d’une aide précieuse tout au long du parcours. Lorsqu’il a fallu trouver des lumières, un voisin a proposé les siennes en échange de coups de main aux travaux de sa maison.

« Ça a duré 2 ans et demi mais deux ans et demi avec plein d’épreuves forcément. Et puis nous nous en sommes sortis et à chaque fois, j’étais sollicité à faire confiance. Mais ce qui est extraordinaire... avec notre petit film, nous en sommes rendus autour de 40 000 entrées. C’est dire que nous y avons mis beaucoup de ferveur, beaucoup de nous-mêmes, beaucoup de temps, beaucoup d’énergie, beaucoup de sueurs, beaucoup de peurs mais surtout... beaucoup de confiance. »

Aujourd’hui, la prochaine étape de la famille Coudray est la réussite de la coopérative. Isabelle et Robert avaient depuis longtemps l’idée de créer un lieu où les gens puissent se poser. Ils ont rencontré Claire et Isabelle qui avaient l’envie d’ouvrir un café-librairie dans un village proche. Et ils ont associé leurs énergies. « Ce café librairie, on ose y aller. Est-ce que ça va fonctionner, est-ce que ça ne va pas fonctionner ? On n’en sait rien mais on y va. »

C’est cette expérience que Robert partage, à sa manière, à travers son musée. Il nous incite, à notre tour, à créer notre vie.


Reportage réalisé par SideWays, une web-série documentaire présentant des initiatives solidaires, positives et originales, qui sont « des idées pionnières ou bien des remèdes au système actuel, dans lequel de moins en moins de personnes se retrouvent », expliquent les initiateurs du projet, Hélène Legay et Benoit Cassegrain de l’association Contre-courant. Chaque épisode se décline sous un même format : une vidéo de 5 min, un article multimédia et un espace de discussion avec les protagonistes et les auteurs.

Pour en savoir plus : le site de SideWays.