Des quatre candidates suivies par Basta! pendant la campagne des élections législatives des 11 et 18 juin, Isabelle Attard est la seule à avoir déjà été élue députée. Mais sa manière d’exercer son mandat tranche avec les pratiques clientélistes et opaques de nombre de ses collègues. Enora Le Pape est, quant à elle, novice en politique. Son profil et la réalité qu’elle côtoie ne sont pas représentés à l’Assemblée : elle fait partie des 5,8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi. Au nom de la défense de ses idées, Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon, n’a pas hésité à s’attirer les foudres de Gérard Collomb, désormais ministre de l’Intérieur du gouvernement Philippe. Enfin Sarah Soilihi, la plus jeune de ces candidates (24 ans), championne de boxe, entame son premier combat politique face au FN dans les quartiers nord de Marseille. Le premier round commence.
– Retrouvez le premier épisode de notre série : Législatives : quatre femmes, quatre manières de renouveler la politique a gauche.
Isabelle Attard (Calvados) : « La démocratie ne doit pas être réservée à une oligarchie »
– Lire la première partie de notre reportage sur Isabelle Attard.
Des réunions publiques à la marche contre Monsanto, en passant par les apéros citoyens chez des habitants de la circonscription… Pendant la campagne pour les législatives, l’agenda d’Isabelle Attard est encore plus chargé qu’à l’habitude. « On va prévoir quelques hologrammes », plaisante l’un de ses soutiens lors de son premier comité de campagne, le 15 mai. Autour de la grande table ronde, une dizaine de personnes organisent les actions à venir. Certains sont déjà engagés en politique, d’autres franchissent le pas pour la première fois. Deux assistants parlementaires sont là, sur leur temps personnel, tiennent-ils à préciser [1]. La candidate dans la cinquième circonscription du Calvados entend montrer qu’elle sépare l’argent public lié à son mandat, de celui dépensé pour la campagne.
Ce soir là, il est question du principal meeting de la campagne : il se déroulera juste avant le premier tour de l’élection législative. « Un meeting, c’est une démonstration de force ! Les gens qui viennent doivent ressortir boostés au maximum, insiste la députée sortante. Il doit y avoir un côté enjoué, mais pas factice. » Une forme innovante, sans gâcher le message politique. Autour de la candidate, les idées fusent, entre méthodes classiques et petite révolution du genre. La stratégie politique est au cœur de la discussion, conviviale et collective. Des désaccords s’expriment, la candidate écoute, prend de temps à autres la parole, résume et apaise.
Conventions citoyennes
Soutien de la députée, Rémy Touzé a longtemps été éloigné de la politique. Ce sapeur-pompier professionnel de 26 ans lui préférait l’engagement associatif. « J’avais une image très clientéliste de la politique, raconte-t-il. Je pensais qu’on ne pouvait pas être impliqué sans être dans les bons cercles. » Le jeune homme a fait partie du jury citoyen de la réserve parlementaire de la députée. Son principe : en fonction de critères d’intérêt général fixés par la députée, confier à des habitants de la circonscription, volontaires puis tirés au sort, le soin de répartir les 130 000 euros dont disposent, chaque année, tous les parlementaires de l’Assemblée. « Ce jury, c’est un acte concret qui traduit son engagement contre le clientélisme, estime Rémy Touzé. J’apprécie cette idée d’ouvrir la politique à tout le monde, au service de tous ; d’écouter les projets qui ne viennent pas d’elle. »
« La démocratie ne doit pas être réservée à une oligarchie, un petit groupe au pouvoir », résume Sarah Albert, sa directrice de campagne. La participation des citoyens à la vie politique, en dehors des élections, est une des idées phare de la candidate. L’expérience municipale du village de Saillans, dans la Drôme, inspire Isabelle Attard. Tout comme le « rassemblement citoyen » opéré à l’échelle de la circonscription, qui tente de fédérer des habitants autour d’actions communes et concrètes. Mais la députée aimerait aller plus loin, en reprenant l’idée des « conventions citoyennes » développées par le scientifique Jacques Testard. Ces conventions rassemblent un panel de citoyens chargés de « mettre en discussion un sujet, auditionner des experts, et proposer ensuite un texte de loi qui sera mis en débat à l’Assemblée ». « Le but est de parler du fond, mais aussi que les citoyens comprennent le déroulement de la fabrique d’une loi », souligne sa directrice de campagne.
Politique des mouvements
Sur le fond, Isabelle Attard entend défendre des services publics efficaces, notamment dans le secteur de la santé ; soutenir les énergies renouvelables contre le nucléaire ; lutter contre l’évasion fiscale, protéger les populations les plus fragiles ; favoriser l’agriculture biologique… « Ce sont des valeurs de gauche, reconnait-elle. Le problème, c’est que le mot « gauche » n’est plus fiable si des candidats d’En marche se basent dessus. »
Ces idées, la candidate souhaite les défendre en dehors des partis. En 2013, Isabelle Attard a quitté EELV. « Quand EELV a suivi le PS qui déviait vers sa droite, j’étais la seule à voter contre certains textes. » Elle rejoint ensuite Nouvelle donne, pour « tester un nouveau champ de possibilités ». « C’était finalement très "vieille donne", pas très axé sur le partage du pouvoir et la décision horizontale. » Elle claque la porte en juin 2015. La députée veut désormais conjuguer la politique avec les mouvements citoyens qui essaiment un peu partout sur le territoire.
Tous issus de la société civile...
« Nous nous battons localement pour faire bouger la société. Nous n’attendons pas des ordres qui viennent d’en haut, d’un gourou ou d’un messie. » Avec Nathalie Perrin-Gilbert, Charlotte Marchandise ou Caroline de Haas, Isabelle Attard a constitué un réseau, l’Archipel citoyen, et une association politique nationale, la Caisse claire – « En opposition à la caisse noire », précise Isabelle Attard. La Caisse claire rassemblera les financements politiques obtenus grâce à cette campagne, avant de les redistribuer vers les initiatives locales [2].
Cette approche citoyenne a le vent en poupe. Le candidat d’En Marche, un pharmacien de Bayeux, met en avant son appartenance à la société civile. Celui des Républicains, Cédric Nouvelot, défend sa proximité avec le territoire, attaquant Isabelle Attard sur le temps passé à l’Assemblée, plutôt que dans la circonscription. En avril, il a lancé une plateforme participative pour recueillir les idées des citoyens. Les électeurs verront-ils les différences de projet et les changements de fond prônés par la candidate « citoyenne » ?
Enora le Pape (Rennes) : « Je sens les électeurs de gauche partagés »
– Lire la première partie de notre reportage sur Enora le Pape.
Il n’y a pas grand monde à Rennes pendant le long week-end de l’ascension. Mais le samedi soir, quai saint Cyr, à deux pas du centre ville, l’équipe d’Enora Le Pape, candidate de la France insoumise, a posé ses bagages le temps d’un apéro musical où les passants sont invités à faire une pause. Une manière de se distinguer, dans ce lieu où les tractages et les visites de candidats sont fréquents. « Les gens en ont parfois assez de ne pas pouvoir faire leurs courses tranquilles. Avec les apéros, les cinés débats ou les stands de notre "crêpier insoumis", nous avons plus de temps pour la rencontre. En porte-à porte-aussi. C’est riche, instructif. » Les questions les plus courantes : qui est-elle, d’où vient-elle, ce qu’elle compte faire si elle est élue.
« Je ne suis pas connue. Les gens ont envie de savoir qui je suis. Ils me demandent ce que je pense du programme de Macron, de son projet de recourir aux ordonnances pour faire passer la loi travail. Je sens les électeurs de gauche partagés entre l’envie de donner une majorité au président à l’Assemblée nationale, et l’envie d’essayer autre chose. Peu évoquent leur député sortant, le socialiste Marcel Rogemont, qui a cédé la place à Emmanuel Couet cette année. Sauf pour se plaindre de ne jamais le voir. »
« Les gens ont l’impression de ne pas avoir de pouvoir sur ce qui se décide »
Ce lien avec les électeurs, qu’Enora Le Pape découvre à 34 ans, la passionne. Elle entend en faire la colonne vertébrale d’un renouveau démocratique fondé sur une transparence exigeante. « Les gens ont l’impression de ne pas avoir de pouvoir sur ce qui est décidé. Ils disent qu’on ne les écoute pas, que leurs élus nationaux ne sont qu’à Paris. J’ai envie de garder le contact, d’avoir des retours réguliers des électeurs. C’est nécessaire pour construire une autre démocratie. On projette, par exemple, de faire des assemblées ouvertes aux citoyens au moment du vote des lois cadres. » Les insoumis entendent expliquer comment sont prises les décisions, quels lobbies ont contacté quels députés au moment des discussions autour d’une loi, savoir ce qu’ils en pensent. Journaux, réseaux sociaux, réunions publiques : divers moyens sont imaginés. « Et notre 6e République propose la possibilité de révoquer les élus qui ne tiennent pas leurs engagements », ajoute-t-elle.
Les bénévoles qui la soutiennent insistent sur l’importance de l’ éducation populaire. « Les gens ne sont pas assez informés, appuie Enora Le Pape. J’en ai croisé qui sont en grande difficulté parce que l’un de leurs enfants est handicapé, et que la sécurité sociale ne leur rembourse pas tous les frais que la prise en charge entraîne. C’est l’occasion pour nous de parler de notre projet de remboursement à 100% par la Sécu. D’autant que l’on peut récupérer de l’argent pour l’action publique, en luttant contre l’évasion fiscale par exemple. »
« Je me sens acceptée comme je suis, utile, reconnue »
« Les gens nous ramènent tout le temps à Mélenchon, qu’ils n’aiment pas toujours, avance une militante habituée des tractages. Nous ne faisons pas campagne pour lui, mais bien pour un programme. La lutte écolo et les luttes sociales doivent fonctionner ensemble. La France insoumise est la seule à proposer ce lien aussi clairement. » « Il faut profiter de la campagne pour donner de la visibilité aux luttes », reprend Hugo, étudiant en droit, et animateur d’un groupe d’appui. La députée et son équipe suivent la lutte des anciens de Take eat easy, une société de livraison à vélo, qui ont été licenciés sans pré-avis en juillet dernier. Un premier jugement aura lieu aux Prudhommes le 7 juin prochain [3]. » « Nous sommes aussi allés voir les salariés en grève d’une plate-forme de Carrefour, qui se trouve sur la circonscription [4]. Les grévistes étaient vraiment contents de nous voir. Ils n’ont pas eu beaucoup de relais médiatiques », poursuit Hugo.
Les liens avec le monde associatif et syndical de nombreux membres des groupes d’appui permettent à l’équipe de tisser des liens dans plusieurs secteurs professionnels. « Je suis enthousiasmée par ce mouvement, qui croise les âges et les origines sociales. Cela change des partis politiques de gauche habituels, lâche Raymonde, 66 ans, membre d’un groupe d’appui. Je me sens acceptée comme je suis, et je me sens utile, reconnue. Cela donne de l’espoir. » « Notre organisation permet la liberté de parole, pense Enora Le Pape. On se retrouve assez simplement, dans des cafés pour discuter. C’est chaleureux et en même temps, il y a du fond. Chacun vient avec son expertise, souvent issue d’un engagement associatif ou syndical. Mon suppléant par exemple, Julien Guyader, était impliqué au syndicat Sud santé. Certains de nos militants sont salariés à l’Inra (Institut national de recherche agronomique), et se battent pour que la recherche agricole se fasse en faveur d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé. Cette convergence des luttes intéresse les gens qui nous rejoignent. Cela s’inscrit un peu dans la continuité de Nuit debout. Chacun trouve son compte, en lien avec les autres. »
Sarah Soilihi (Marseille) : Avec Jean-Luc Mélenchon, dans les quartiers abandonnés par la politique
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« Il n’y a pas de fatalité à la misère, et pour la combattre, on a besoin de votre mobilisation ! » Jean-Luc Mélenchon ne s’y trompe pas, lorsqu’il harangue la petite foule rassemblée autour de lui, ce vendredi 19 mai au cœur de la cité des Rosiers, dans le nord de Marseille. Ici, il est roi en politique : il y a obtenu 235 voix au premier tour, loin devant Macron (92) et Le Pen (85). Venu soutenir Sarah Soilihi, sa voisine candidate France Insoumise dans la cité phocéenne, l’insoumis en chef reçoit un accueil chaleureux et enthousiaste. Après un rapide discours, il multiplie les échanges informels avec les habitants, évoquant Marseille – « Un concentré de la France d’où partira le grand mouvement social » – ou le nouveau gouvernement – « Il faut virer tous ces bons à rien qui gouvernent la France » – au détour d’une déambulation parmi les tours.
« Eh M’sieur, est-ce que vous pourrez faire le stade en pelouse ? », interpelle Yassin, à l’entrée de la boulangerie des Marronniers. Le minot de 11 ans en a marre de jouer sur un terrain en pierre. Un ou deux communistes de la première heure critiquent la stratégie isolée de Mélenchon pour ces législatives, mais la plupart des échanges se veulent encourageant, et l’atmosphère bon enfant. « Il est courageux, il n’y a plus aucun homme politique qui vient ici sans escorte… quand ils viennent », reconnaît un type, sur son scooter. Le seul garde du corps à oreillette, assurant un service rapproché entouré de quelques camarades, y a passé l’une des sorties les plus tranquilles de la campagne. Comme quoi, les quartiers nord ne sont pas toujours ceux que l’on fantasme derrière les caméras, absentes ce jour-là.
« Il faut rassembler, faire un Podemos à la française »
A l’échelle de la circonscription, Jean-Luc Mélenchon est arrivé deuxième avec 24% au premier tour de la présidentielle, derrière Marine Le Pen à 30%, mais devant Emmanuel Macron, crédité de 18%. Autre adversaire de taille : l’abstention, qui atteint les 26% [5]. C’est dans ce contexte que Sarah Soilihi doit mener campagne : sur des territoires qui se détournent de la politique à force d’être abandonnés par cette dernière. Elle n’a pas attendu le deuxième tour pour entrer en campagne : depuis le début du mois de mai, la candidate enchaîne les tractages, chaque jour. A la sortie des écoles, ou devant la Poste, dernières reliques de services publics en déshérence, le visage de Mélenchon fait toujours sensation : « On le préfère avec des lunettes ! » s’exclame l’un, à la vue de l’affiche de soutien.
A ses côtés, une petite équipe de bénévoles, pas forcément encartés bien que souvent politisés. C’est le cas de Jacques, retraité, syndiqué CGT et habitant du quartier depuis une vingtaine d’année : « Avec le chômage et la dégradation des conditions de vie, le système mafieux s’est développé. Il y a aujourd’hui un vrai rejet de la politique, dans son sens le plus noble : les citoyens ne s’impliquent plus dans la vie de la Cité. » Dominique, 56 ans, n’avait jamais tracté non plus : « Cela faisait trop témoin de Jéhovah ». Mais cette fois, celle qui se dit de sensibilité écologiste n’a pas hésité : « Il faut rassembler, faire un Podemos à la française. Mélenchon mobilise énormément, il a un accueil bienveillant, les gens s’intéressent à lui. »
Membre d’EELV, Olivier Agullo, le suppléant de Sarah Soilihi, a pris le risque, au nom du rassemblement, de « désobéir » à son parti, qui présente un candidat face au duo. « Le cœur du sujet, c’est le déclin de la sociabilisation. Ce sont des territoires où l’on ferme à clé des portes qui restaient toujours ouvertes, où il n’y a plus le moindre espace d’agora. » C’est donc sur le thème de la confiance que la candidate a décidé d’axer sa campagne, elle dont tout le monde sait où elle habite. « Il n’y a pas de secret ici ». Sa première loi ? La possibilité de révocation des élus : « C’est primordial pour redonner foi dans le travail politique et redonner envie aux gens de se rendre au bureau de vote. »
« Au fait, il est où le bureau de vote ? »
Il reste deux semaines pour sensibiliser. Animateur dans un foyer pour jeunes délinquants, Mohamed le concède : « La moitié ne savent pas ce que sont les législatives. Il reste un gros travail pour impliquer les jeunes dans le vote. ». En mode chauffeur d’ambiance, Abdourahim Mohamed prend le micro quelques minutes avant l’arrivée de Mélenchon, à grands coups de « On en a marre ! », qu’il fait scander par la foule. Bénévole dans l’association de locataires du quartier, cet étudiant en "gouvernance des territoires" hèle les habitants qui scrutent la scène depuis leur balcon : « Venez, descendez, la chance ne passe qu’une fois ! »
La venue de Jean-Luc Mélenchon à Marseille et la candidature France Insoumise peuvent-elles raviver quelques espoirs ? En retrait du mouvement de foule, Eli, 24 ans, se fait discret et un peu taiseux : la politique, il s’en moque, il n’a pas voté aux présidentielles, « tous pareils ». L’échange se noue sur les difficultés de la vie dans ce quartier où il est arrivé il y a quelques mois, avec sa femme et leurs deux enfants, pas encore scolarisés. Il y mène tant bien que mal sa vie de livreur pour grossiste alimentaire. A l’heure du départ, il demande l’air de rien : « Au fait, il est où le bureau de vote ? »
Nathalie Perrin-Gilbert (Lyon) : Bataille autour de l’étiquette de candidature « citoyenne »
– Lire la première partie de notre reportage sur Nathalie Perrin-Gilbert.
A Lyon, à quelques mètres de l’Hôtel de ville dans le 1er arrondissement, la petite rue Sainte-Catherine est surtout célèbre pour sa vie nocturne, se transformant à la nuit tombée en une sorte de « rue de la soif ». Mais en journée, on y étanche tout autre chose : c’est là, dans un espace cosy de coworking nommé « Sofffa », que quelques trentenaires bénévoles répondent aux mails, gèrent les diverses sollicitations et organisent la campagne de Nathalie Perrin-Gilbert. N’allez surtout pas leur parler d’un QG de campagne : le terme ne passe pas, trop traditionnel. « Une permanence induit l’idée que c’est aux gens de venir vers nous. Au contraire, nous voulons aller nous-mêmes à la rencontre des citoyens », explique Guillaume Dupeyron, directeur de campagne de la maire du Ier arrondissement, candidate citoyenne soutenue par une partie de la gauche.
Pour ce faire, un vieil utilitaire Renault a été aménagé en local de campagne, dans lequel s’éparpillent affiches et tracts : c’est la « locomobile », qui permet de déambuler parmi les rues pentues de Croix-Rousse. Pratique quand il s’agit d’organiser des rencontres publiques, comme avec l’essayiste Raphaël Glucksmann venu soutenir la candidate le 18 mai. Ou plus récemment Laurent Mauduit, journaliste de Mediapart, qui participait à une soirée-débat sur le thème « Démocratie et contre-pouvoirs : moralisation de la vie publique, indépendance de la presse et protection des lanceurs d’alerte ».
Associer les citoyens à la fabrique de la loi
La « locomobile » permet de transporter les chaises utiles à ces agoras en plein air, avant de se transformer en buvette populaire à la fin des échanges. Un véhicule multifonctions qui, entièrement customisé en jaune et violet, ressemble à ces camionnettes de cirque qui annoncent la fête sous le chapiteau. Ici, le texte est plus sérieux : « Redonnons-du pouvoir » est inscrit en lettres capitales à l’arrière.
Ce slogan de campagne vient ainsi rappeler le cadre citoyen sous lequel Nathalie Perrin-Gilbert place sa candidature. « Elle a vu avant d’autres la limite des partis traditionnels et compris que les solutions étaient ailleurs », explique Alexandre Chevalier, militant politique à ses côtés depuis plusieurs années. Parmi ces solutions, la consultation citoyenne que Nathalie Perrin-Gilbert tente de mettre en œuvre, le plus souvent possible, dans ses dossiers municipaux. Et qu’elle compte poursuivre au niveau législatif : « Je veux pouvoir associer les citoyens à la fabrique de la loi, leur présenter le calendrier législatif et identifier des thèmes porteurs avec eux. » Comme Isabelle Attard, elle-aussi compte, tous les deux mois, se présenter devant les citoyens, « sans filtre » : « C’est le principe de la démocratie continue, ce n’est pas parce qu’on est élu que cela s’arrête, bien au contraire. »
Cette démarche citoyenne pourrait avoir bloqué certaines négociations avec de potentiels partenaires politiques, comme EELV par exemple. Le parti écologiste a fait le choix de présenter un candidat face à Nathalie Perrin-Gilbert, malgré l’esquisse d’un rassemblement assez large réalisé par la candidate – avec le Parti Communiste, Ensemble, le Parti Pirate, ou encore le Parti Socialiste.
Une étiquette citoyenne « un peu trompeuse » ?
Du côté de la France insoumise, on considère l’étiquette citoyenne « un peu trompeuse » : « Nathalie Perrin-Gilbert fait une carrière politique classique. Nous n’avons pas envie de laisser la politique aux professionnels. », juge Eleni Ferlet, sa concurrente dans la 2e circonscription du Rhône, qui s’est déjà présentée à plusieurs scrutins locaux, sous l’étiquette du Parti de gauche ou du Front de gauche, depuis sept ans. Annonçant un groupe d’appui de 300 personnes sur la circonscription, la France insoumise voit la dynamique citoyenne de son côté, celui d’une « défiance à l’égard des parcours de professionnels de la politique, qui risquent d’être vérolés par le système », explique Yann, le directeur de campagne, parfaitement novice en politique.
Un conflit de légitimité qui trouve son paroxysme dans le rapport au vote Mélenchon : à la suite du premier volet de cet article, il nous a été reproché d’écrire que Nathalie Perrin-Gilbert avait soutenu Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. « Elle ne s’est prononcée en sa faveur que quelques jours avant le premier tour, et ne lui avait pas donné son parrainage pour les signatures », rétorque-t-on à la France insoumise, qui dénonce une « manipulation et une usurpation organisées » par Nathalie Perrin-Gilbert. Cette dernière ne s’en cache pas : elle a effectivement parrainé – en vain – Charlotte Marchandise, la candidate citoyenne à la présidentielle. « Une femme qui se présente au nom d’une plateforme collective en venant du monde associatif, c’est cela, le renouvellement politique », estime-t-elle.
Barnabé Binctin (à Lyon et à Marseille), Nolwenn Weiler (à Rennes) et Simon Gouin (à Bayeux)
Photos : à Marseille, Jean de Peña (Collectif à-vif(s)) ; à Rennes, Laurent Guizard.