« Je suis mère d’une petite fille de deux ans et demi. Mon conjoint étant au chômage, je continue de travailler, et beaucoup. Pour le mois d’avril, pour l’instant, je suis prévue pour travailler 37 heures par semaine, mai ça va sûrement augmenter.
En tant qu’auxiliaire de vie, la plupart des personnes dont je m’occupe sont à risque de par leur âge avancé ou problèmes de santé divers. Autant dire que j’ai la peur au ventre quand je pars au travail, peur de contaminer mes usagers, car je ne sais pas si je suis porteuse du Covid-19 étant donné que personne n’est testé dans mon entreprise. Ce qui est vicieux, c’est qu’on peut être porteur sans symptômes, ou faire le test un jour, être négatif, mais se retrouver porteur le lendemain parce qu’on a pas pris assez de précautions.
Un élan de solidarité s’est fait autour de moi. Ma mère, infirmière à la retraite, m’a très rapidement fabriqué des masques de fortune avec des filtres à café. Puis, une amie m’a fabriqué trois masques en tissu. Puis, le 23 mars, j’ai reçu des recommandations de la part de mon entreprise par mail. Et depuis une semaine, elle me fournit des masques et des gants. Avant, ils n’en avaient pas, ils avaient du mal à s’approvisionner. Ce n’est pas forcément de leur faute.
Mais je n’ai pas attendu leur recommandations pour compter sur mon bon sens. Par mes propres moyens financiers je me suis procuré très vite des gants en grande quantité et un peu de gel hydroalcoolique. Je me lave les mains très régulièrement. Je désinfecte tout dans ma voiture. Je fais mon maximum. Si une des personnes dont je m’occupe est contaminée, je vais vraiment m’en vouloir. Au début, j’étais en colère envers ma responsable de ne pas avoir de masques et de gants. Elle me disait “Vous pouvez ne pas travailler”. Mais, alors, qui ira à ma place ? Je fais déjà plus d’heures en ce moment parce qu’il y a des gens en arrêt maladie. Même en temps normal, nous avons des problèmes de personnels, parce qu’auxiliaire de vie, ce n’est pas un travail reconnu.
Parmi les personnes dont je m’occupe, beaucoup n’ont pas peur. La plupart ont plus de 90 ans, elles ont vécu la « vraie » guerre. Et je les rassure aussi. Mais le soir, quand je rentre, il m’arrive de pleurer dans ma voiture à cause de mon impuissance, face à la gestion gouvernementale pitoyable de cette crise, et le manque d’anticipation qu’il y a eu, à tous les niveaux. »
Recueilli par Rachel Knaebel
* Le prénom a été changé.