Tunisie

Des syndicalistes réprimées par un sous-traitant d’Airbus

Tunisie

par Nolwenn Weiler

Difficile d’être syndiquée quand on travaille sur l’un des sites tunisiens de l’entreprise française SEA Latélec, productrice de câbles aéronautique, filiale du groupe Latécoère, lui-même sous-traitant de Airbus (groupe EADS). Pendant plusieurs années, les 450 salariées de l’usine de Fouchana, au sud de Tunis, ont travaillé pour moins de 150 euros par mois, et sans représentation syndicale. En 2010, deux ouvrières décident d’en finir avec ce non respect du droit tunisien. Elles créent une section locale de la puissance UGTT et réussissent à mobiliser une grande partie de leurs collègues.

Ensemble, elles exigent l’intégration en CDI de salariées précaires qui travaillent depuis plusieurs années, ainsi que la signature d’un accord sur les promotions et les progressions salariales. Leur direction consent à les augmenter d’une trentaine d’euros en 2011. Mais au même moment, plusieurs ouvrières sont suspendues ou licenciées, suite à des manifestations. Les syndicalistes semblent être les premières visées. Ce qui ne les décourage pas. En septembre 2012, la direction décide de transférer temporairement la production en France. 200 emplois sont perdus en six mois. Les 200 restant sont menacés. Une relocalisation au nom de la répression syndicale ?

« Casser un mouvement de lutte »

« L’entreprise invoque une baisse commerciale alors que pour certaines pièces, Latéocoère est le seul fournisseur d’Airbus, et que l’on sait que les besoins seront importants dans les années à venir », assure Julien Ente, de l’Union syndicale Solidaires, qui soutient les salariées tunisiennes. « L’entreprise travaille pour tous les poids lourds de l’aéronautique au niveau mondial. Il n’y a aucun argument économique. » Le rapport du premier semestre 2012 de Latécoère assure effectivement que son portefeuille de commandes représente « 4 années de chiffre d’affaires ». « En fait, ils ont procédé à un transfert de production temporaire pour casser un mouvement de lutte, estime Julien Ente. L’objectif c’est de remplacer les syndicalistes qui réclament simplement l’application du droit tunisien. S’ils parviennent à se débarrasser d’elles, ils auront la paix pendant quatre ans, durée de la période d’essai en Tunisie. »

Mais les salariées tiennent bon. Et sont soutenues par un important mouvement de solidarité internationale, dont plusieurs associations féministes françaises, impulsé lors du Forum social mondial, qui s’est tenu à Tunis en mars dernier. Des membres du comité de soutien réfléchissent à la mise en place d’une caisse de grève. Et la mobilisation s’étend dans la région, pilier industriel de la Tunisie, gagnant plusieurs usines textile. « Le moment est crucial, souligne Julien Ente. C’est maintenant que la solidité future des syndicats tunisiens doit se construire. »