Justice

Deux parents d’élèves passent au tribunal pour « violence » et « rébellion »

Justice

par Nolwenn Weiler

Une audience peu commune se tiendra ce mardi 6 mars, au tribunal de grande instance de Bobigny en Seine-Saint-Denis. Deux parents d’élèves y comparaissent pour « violence à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion ». Placés en garde à vue pendant 48h, ils ont été interpellés le 27 septembre 2017 à Montreuil, aux portes de Paris alors qu’ils participaient à un rassemblement d’une centaine de parents d’élèves exigeant la fermeture d’un site industriel qu’ils jugent très polluant. Située au cœur d’une zone d’habitat dense, à proximité immédiate de deux écoles, d’un foyer d’accueil médicalisé pour adultes et en bordure d’un parc très fréquenté, la Société nouvelle d’eugénisation des métaux (Snem) est spécialisée dans le traitement de pièces métalliques pour l’aviation civile et militaire. Le site travaille notamment pour Airbus et Safran.

Agents cancérogènes et reprotoxiques

Elle exerce « une activité hautement toxique », dénonce le collectif de parents d’élèves et habitants du quartier. Ils demandent, en plus de la fermeture de l’usine, le reclassement des quatorze salariés et la décontamination du site. « La Snem utilise en très grande quantité des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques de façon certaine, notamment du Chrome 6, de l’acide nitrique, de l’acide sulfurique, de l’acide fluorhydrique, du cadmium, du nickel », précise le collectif, rejoint par le syndicat local de Solidaires qui s’inquiète de l’exposition potentielle des salariés à ces produits toxiques.

Cela fait 10 ans que des riverains interpellent régulièrement la préfecture au sujet de la vétusté des bâtiments et du non respect des obligations de sécurité qui reviennent à ce type d’installation. La Snem est en effet une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), en raison des nuisances éventuelles ou des risques importants de pollution des sols ou d’accident qu’elle présente. Elle est, en tant que telle, soumise à de nombreuses réglementations de prévention des risques environnementaux. Or, selon des habitants du quartiers, des odeurs âcres se dégagent régulièrement de l’usine et les fenêtres de toit des ateliers sont parfois grandes ouvertes alors que l’usine est censée filtrer toutes les vapeurs toxiques qu’elle produit avant de les rejeter vers l’extérieur.

10 ans de plaintes et de contrôles

« Des plaintes et signalements des riverains sont régulièrement transmis à la préfecture qui diligente des inspections et reconnaît le bien fondé des alertes » , remarque le collectif. « L’usine Snem a toujours fait l’objet de contrôles réguliers ces dernières années. Aucune des non-conformités constatées à ce jour ne justifiait, de par leur nature, ni une cessation, ni même une suspension, des activités de l’usine », avance la préfecture. La mise en conformité du système de ventilation de la Snem aurait été réalisée, suite à un ultimatum fixé par la Préfecture en août 2017 [1]. La préfecture insiste par ailleurs sur les résultats « conformes aux normes » de diverses études menées sur la qualité de l’air et l’impact sanitaire des activités de la Snem.

« Face à la mobilisation, le préfet a enfin diligenté des analyses pour infirmer la dangerosité de l’usine pour les salarié-e-s et l’environnement », reconnaît Solidaires. Mais le syndicat s’interroge : « Peut-on prendre au sérieux ces études quand le responsable de la production a été couvert de capteurs alors qu’il est resté dans son bureau et que les metteurs au bain directement concernés n’en n’ont pas été équipés ? » Comme les riverains et parents d’élèves, ils demandent la fermeture de l’usine, « dangereuse pour les salarié-e-s », et un vrai plan social pour leur reclassement dans les groupes Airbus, Safran et autres sous-traitants. Un rassemblement est prévu devant le tribunal de grande instance de Bobigny à midi ce 6 février pour demander la relaxe des deux parents d’élèves.

Ci-après : images de l’intervention policière du 27 septembre 2017 :

Notes

[1Sur les mises en conformité suite à une mise en demeure le 8 août 2017, voir ce courrier de la Préfecture, et le rapport d’inspection.