Protections sociales

Egalité salariale pour les femmes, métiers pénibles, cotisations : les propositions alternatives pour les retraites

Protections sociales

par Maÿlis Dudouet

À rebours du projet du gouvernement de décaler l’âge légal de départ à la retraite à 64, les syndicats proposent plutôt d’augmenter les salaires, les cotisations et de lutter contres les inégalités.

Elisabeth Borne a annoncé ce 10 janvier les grandes lignes de son projet pour réformer les retraites. Sans surprise, le gouvernement veut reporter l’âge légal de départ à 64 ans dès 2030, contre 62 ans aujourd’hui, et allonger la durée de cotisation à 43 ans pour une retraite à taux plein. La Première ministre souhaite également l’extinction des principaux régimes spéciaux de retraites, comme celui de la RATP.

Le report de l’âge légal, la CGT comme la CFDT s’y opposent. Thomas Vacheron, responsable retraite à la CGT appelle « tous les salariés du pays » à se mobiliser pour, au contraire, « améliorer le système de retraite ». « On s’enferme dans un débat technique alors que ce sont des choix de société », ajoute-t-il. Interrogés par basta!, des représentants des syndicats majoritaires français partagent leurs propositions.

Augmenter les salaires et les cotisations

Pour le responsable CGT, « l’urgence, c’est d’augmenter les salaires, pas de décaler l’âge de départ à la retraite. En augmentant les salaires, on augmente les cotisations et donc le montant de la pension à la retraite. » Les cotisations sur les salaires des actifs en emploi sont une des sources principales de financement des retraites. S’y ajoutent notamment les recettes fiscales (dont la CSG), payées par les actifs et les retraités et « servant notamment à compenser les exonérations de cotisations sur les bas salaires », précise le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans son rapport de septembre 2022.

En augmentant les salaires, on augmente automatiquement les recettes des cotisations retraite. La CGT demande aussi la fin des exonérations de cotisations. « La première dépense de l’État, ce sont les exonérations de cotisations sociales et fiscales aux entreprises, dit Thomas Vacheron. Diminuer ces exonérations, c’est acquérir une marge de manœuvre pour combler le déficit prochain du financement des retraites. » La CFDT demande par ailleurs à « augmenter les contraintes de cotisations vis-à-vis des employeurs », les cotisations patronales, précise Yvan Ricordeau, secrétaire national CFDT et en charge du dossier retraites. Reste à voir comment aider les entreprises qui ne disposent pas des marges financières nécessaires, au contraire des multinationales.

« Il faut augmenter le niveau des salaires », revendique aussi la fédération syndicale Solidaires. Et « il faut augmenter les cotisations sociales qui sont du salaire socialisé, soit la part du salaire versée directement par l’employeur aux caisses de sécurité sociale pour financer la protection sociale », ajoute le syndicat, qui propose aussi de mettre en place « une cotisation sociale sur les dividendes » versés aux actionnaires.

Atteindre l’égalité salariale femme-homme : 5,5 milliards d’euros en plus pour les retraites

Autre enjeu, l’égalité salariale femme-homme. Dans le secteur privé, les femmes gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes. Elles travaillent plus souvent à temps partiel et dans des métiers moins bien payés que les hommes. En équivalent temps plein l’écart de salaire reste de plus de 16,5 % dans le secteur privé et de près de 14 % dans la fonction publique, selon les chiffres de l’Insee. Cet écart s’est très faiblement réduit en dix ans, quand les femmes percevaient alors en moyenne 80 % du salaire des hommes. Ni les politiques publiques ni la « responsabilité sociale » des entreprises ne se sont révélées à la hauteur de ce défi.

« Réalisons l’égalité salariale femmes/hommes », demande la fédération Solidaires. « Elle passe par une augmentation conséquente des salaires des femmes dans des métiers à valeur égale, ce qui améliorerait les rentrées de cotisations sociales », poursuit le syndicat.

Combler ces écarts de salaires rapporterait « 5,5 milliards d’euros de cotisations retraite supplémentaires », avance le cégétiste Thomas Vacheron. Ce chiffre est mentionné dans une étude du Conseil recherche ingénierie formation pour l’égalité femmes-hommes (Corif) publiée en 2017. Les inégalités salariales « sont une des causes des forts écarts de pension entre les sexes », soulignait cette étude.

Vraiment prendre en compte la pénibilité

En 2017, quatre facteurs de pénibilité, charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques ont été retirés du calcul du compte pénibilité, le terme ayant été remplacé dans le même temps par l’expression « facteurs de risques professionnels ».

« Aujourd’hui, l’une des professions qui a le plus de cancers liés aux produits chimiques, ce sont les femmes de ménage. Ces éléments d’exposition devraient être pris en compte parmi les critères de pénibilité », défend Thomas Vacheron, de la CGT. Son syndicat propose que les travailleurs embauchant la nuit, exposés aux produits chimiques, ou effectuant les 3 X 8 puissent partir à la retraite cinq ans plus tôt. Cette (non) prise en compte de la pénibilité demeure un point aveugle du projet du gouvernement. Pour tout le monde, la CGT revendique un retour à un âge de départ légal à 60 ans.

Photo de une : manifestation lors de la précédente tentative de réforme des retraites en 2019 / © Anne Paq

Maÿlis Dudouet