« Après plus d’une décennie de vandalisme social de la part des conservateurs, le parti travailliste britannique devrait remporter les élections de juillet », écrit Jacobin. Et de loin : les travaillistes de Keir Starmer dépassent les 40% d’intentions de votes dans les sondages, contre à peine 20% pour les conservateurs et le Premier ministre sortant Rishi Sunak, selon les chiffres donnés par le Guardian. « Lorsque le leader conservateur a annoncé [le 22 mai] qu’il y aurait des élections au début du mois de juillet, soit plusieurs mois avant la date prévue, sa prestation avait tout d’un homme qui a déjà abandonné la partie », commente Jacobin.
Jacobin, dans un autre article, raconte le fiasco qui s’en est suivi. « 85 députés conservateurs ont fait part de leur confiance dans la capacité de leur parti à remporter un nouveau mandat en déclarant leur départ à la retraite », ironise la revue américaine.
Parmi elles et eux, l’ex-Première ministre Theresa May. « La première annonce politique de la campagne des conservateurs n’a pas été bien accueillie non plus. Le 24 mai, Sunak a déclaré qu’il réintroduirait le service national obligatoire pour les jeunes de dix-huit ans s’il était réélu », ajoute le média.
« Le péché originel a été l’austérité »
Qu’est-ce qui a fait dégringoler les conservateurs ? The Guardian explique, dans un éditorial du 28 juin, que « le péché originel a été l’austérité.
Mais ce qui a précipité la crise de ce gouvernement, c’est qu’on a dit aux électeurs que quitter l’UE avec un accord des plus maigres serait bon pour eux ». Les mots du journal britannique sont durs pour ce qui s’est passé au Royaume Uni dans cette période post-Brexit : « De la boîte de Pandore du Brexit ont jailli les furies de la malhonnêteté, de l’abus gouvernemental et de la démesure de l’exécutif. »
Les services publics sont en lambeaux, pointe le quotidien, et la vie des Britanniques est devenue « plus pauvre, plus cruelle, plus brutale et plus courte ». Les conservateurs sont tenus pour responsables de cette débâcle, et d’autres, notamment la gestion de la pandémie ou l’instabilité politique, avec quatre Premiers ministres différents depuis 2016.
Depuis l’annonce des élections anticipées, la dynamique des sondages n’a guère évolué. La victoire du camp travailliste semble aujourd’hui certaine. « Les partisans du Labour sont comme des enfants à la veille de Noël, pris dans l’enfer de l’attente. Les conservateurs veulent juste que le siège de la miséricorde s’allume et les emmène vers un endroit meilleur », résume, à une semaine des élections, le média australien Crickey.
Des enjeux idéologiques persistent pour les travaillistes
Le périodique britannique Red Pepper s’affaire, dans un long article, à dresser un tableau du Royaume-Uni à venir sous un gouvernement travailliste. Le changement ne semble pas drastique.
Le média retrace la centrisation du parti de gauche, devenu de plus en plus « pro-business ». Pourtant, « on ne peut pas lutter contre les services publics décimés, les inégalités croissantes et la dégradation du climat uniquement avec des investissements privés et une baguette magique d’IA », défend le média.
« De l’Allemagne aux États-Unis, les gouvernements voient leur soutien s’effondrer en raison de leur incapacité à faire face aux crises actuelles, ce qui permet à l’extrême droite de prospérer dans le vide politique. ll appartient à la gauche de présenter son alternative », ajoute Red Pepper.
L’éditorial du Guardian va également en ce sens : « Les gens ne votent pas pour des abstractions. Ils votent pour leurs espoirs et leurs craintes, et ils ont tendance à les voir en termes concrets. Si le parti travailliste veut que les électeurs placent leur espoir en lui, il doit préciser ses ambitions. » Malgré ses mises en garde, le journal a annoncé prendre parti pour les travaillistes « avec espoir et enthousiasme », pour entrevoir « un futur meilleur ».
Emma Bougerol
Photo de une : « Au diable les bateaux, arrêtons ce con », sticker contre le Premier ministre conservateur Rishi Sunak, en référence à sa campagne anti-immigration appelée « Stop the boats » (arrêtons les bateaux) / CC BY-NC 2.0 Duncan Cumming via Flickr.