Finances

En Belgique, une loi anti-spéculation contrarie les fonds « vautours »

Finances

par Rachel Knaebel

En 2015, le Parlement belge adoptait une loi contre les « fonds vautours ». Ces fonds spéculatifs rachètent à très bas prix des obligations d’États en difficultés financières et qui ne peuvent rembourser leurs emprunts. Ensuite, les fonds vautours multiplient les procédures judiciaires pour obtenir un remboursement de la totalité de la valeur de la dette, majorée des intérêts et des pénalités de retard. Les taux de profits de ces fonds oscillent entre 300 % et 2000 %, selon le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM). Les pays déjà endettés se retrouvent ainsi dans des situations encore plus difficile, au détriment des populations. Par exemple, en République démocratique du Congo, en 2011, les montants réclamés par trois fonds vautours équivalaient à 85 % du budget national consacré à la santé et à plus de 40 % du budget de l’enseignement.

Contre ces pratiques, la loi belge de 2015 stipule que « lorsqu’un créancier poursuit un avantage illégitime par le rachat d’un emprunt ou d’une créance sur un État, ses droits à l’égard de l’État débiteur seront limités au prix qu’il a payé pour racheter ledit emprunt ou ladite créance ». En résumé, elle interdit aux fonds vautours d’exiger un montant plus élevé que celui auquel ils ont initialement acheté les dettes sur le marché secondaire. Pour cela, le juge doit établir que le créancier cherche à obtenir un « avantage illégitime », par exemple lorsqu’il y a une disproportion manifeste entre le prix payé et le montant réclamé, si l’État est insolvable au moment du rachat de la créance, ou si le créancier est établi dans un paradis fiscal.

2 milliards de profits pour un risque à 80 millions

La loi a donc de quoi gêner les professionnels de la spéculation à grande échelle. À tel point qu’en 2016, le fonds NML Capital a déposé un recours contre cette loi devant la cour constitutionnelle belge. NML Capital est une filiale du fonds Elliot Management, basé à Wall Street. C’est justement ce fonds spéculatif qui avait mis l’Argentine à genou jusqu’en 2016 en refusant catégoriquement une restructuration de sa dette. Le pays s’était retrouvé au bord de la faillite au début des années 2000.

En 2005 et 2010, la majorité des créanciers de l’Argentine avaient accepté une décote de la dette souveraine du pays, sauf quelques-uns, dont NML Capital. S’en est suivi une longue bataille juridique entre l’État argentin et NML Capital, qui s’est conclu en 2016 par un accord avec le gouvernement néolibéral de Mauricio Macri. NML Capital a finalement obtenu le remboursement de 2 milliards de dollars pour des obligations rachetées seulement 80 millions de dollars dans les années 2000. Une affaire rondement menée pour le fonds vautour.

Mais face à la cour constitutionnelle belge, en revanche, NML Capital a été débouté de sa requête. Le 31 mai, la plus haute juridiction belge a rejeté la demande du fonds qui voulait l’annulation de la loi. Un signal pour inciter d’autres pays à adopter des lois similaires contre les pratique des fonds vautours ? C’est en tout cas ce qu’avait demandé le Parlement européen dans une résolution votée le 17 avril dernier. Le Parlement suggérait « aux États membres d’adopter, sous l’impulsion de la Commission (européenne), un règlement s’inspirant de la loi belge portant sur la lutte contre la spéculation des fonds vautours sur la dette ». La décision de la cour constitutionnelle belge renforce encore cette position.