Des militants venus de toute la France se sont introduits lundi 14 juin dans les locaux du groupe semencier Top Semence, à la Bâtie-Rolland, près de Montélimar (Drôme) à la recherche de semences de colza ou de tournesol rendues tolérantes aux herbicides (VrTH), y découvrant une centaine de sacs remplis de celles-ci. L’année dernière, le Conseil d’État avait enjoint le gouvernement français à modifier la loi d’ici à l’été 2020 afin que ces variétés de semences soient soumises aux obligations imposées aux OGM : c’est-à-dire une évaluation au cas par cas des risques pour la santé et l’environnement, ainsi qu’une traçabilité et un étiquetage.
« L’État est dans l’illégalité puisque il aurait dû interdire la commercialisation de ses variétés suite à la décision du Conseil d’État », estime Jean-Luc Juthier, faucheur volontaire d’OGM. Ces semences sont obtenues par mutagenèse, c’est-à-dire par des mutations et non pas par un transfert génétique d’un organisme à un autre.
Selon la décision du Conseil d’État, le gouvernement devait publier un décret avec la liste des variétés exemptées de ces réglementations avant août 2020. Rien n’a été fait alors que nous sommes déjà bientôt un an après la date butoir. « Aujourd’hui, toutes ces semences sont commercialisées. Le seul objectif de l’État est de modifier la réglementation européenne, pour que ces techniques de manipulation génétique ne soient pas soumises aux mêmes réglementations que les autres OGM, dénonce Jean-Luc Juthier. Pour lui, l’État « fraude et pour limiter la fraude, il cherche à changer la loi ».
« À force d’utiliser des pesticides de synthèse, les mauvaises herbes s’adaptent »
Ces variétés rendues tolérantes aux herbicides permettent d’avoir recours à des herbicides de synthèse qui détruisent toutes les mauvaises herbes, y compris les plus tenaces, sans éliminer les cultures de tournesol ou de colza. À cause des systèmes de cultures très spécialisés, les adventices (mauvaises herbes) sont sélectionnées et deviennent de plus en plus difficiles à maîtriser, comme nous l’avions expliqué dans notre article sur les agriculteurs qui se passent d’herbicides. Les herbicides apparaissent alors comme indispensables pour éliminer ces « mauvaises herbes ».
« Un agriculteur m’a avoué qu’il utilisait ces variétés-là à cause du problème de l’ambroisie [une plante spontanée très présente dans la région de la Drôme, ndlr], explique Jean-Luc Juthier. Pour l’instant, les agriculteurs arrivent à détruire les mauvaises herbes en utilisant ces herbicides associés aux VrTH. Mais des résistances commencent déjà à apparaître.C’est une fuite en avant », alerte le faucheur volontaire [1]. À force d’utiliser des pesticides de synthèse, les mauvaises herbes s’adaptent, les pesticides de synthèse deviennent inefficaces. Le militant revendique aussi « la transparence » : « Le paysan doit savoir si son voisin cultive des OGM, le consommateur doit savoir ce qu’il a dans son assiette. »
Greenpeace et Agir pour l’environnement ont lancé deux pétitions pour l’interdiction de ces nouveaux OGM, qui ont déjà recueilli au total plus de 130 000 signatures.
Lola Keraron
Crédit photo : © Les faucheurs volontaires d’OGM
Relire nos articles :
– De nouveaux OGM, sans évaluation ni étiquetage, bientôt dans les assiettes ?, le 29 avril 2016 :
– Nouveaux OGM : le gouvernement rechigne à les encadrer malgré une décision de justice, le 3 septembre 2020