Services publics

Gestion de l’eau : Berlin ne veut plus de Veolia

Services publics

par Olivier Petitjean (Observatoire des multinationales)

Véolia quitte Berlin. Le géant français de l’eau a annoncé publiquement avoir trouvé un terrain d’entente avec les autorités berlinoises pour leur revendre ses parts dans le service de l’eau de la capitale allemande, Berlinwasser. L’entreprise présente ce retrait comme un « plan d’économies » du groupe pour éponger sa dette, une version relayée par la presse française. Derrière le rideau de la communication, l’histoire est tout autre. C’est plutôt par dépit que Veolia quitte la capitale allemande, poussée vers la sortie par ses habitants. Comme à Paris, il s’agit en fait d’une remunicipalisation du service de l’eau, obtenue de haute lutte par les citoyens berlinois.

Le contrat avec Veolia a été signé en 1999. Il représente alors le plus important partenariat public privé (PPP) de l’histoire, en Allemagne. Veolia s’est associée à l’entreprise énergétique allemande RWE et, au départ, à l’assureur Allianz. La teneur du contrat est initialement maintenue secrète, sans doute parce que ses clauses offraient des conditions particulièrement favorables aux partenaires privés en termes de profits garantis.

Référendum populaire contre Veolia

Face à l’augmentation des prix de l’eau, les citoyens berlinois organisent un référendum populaire en 2011 (une possibilité prévue par la constitution berlinoise), malgré l’opposition acharnée des gouvernants de la ville. 660 000 Berlinois, soit plus d’un quart de l’électorat, prennent part au vote. Et se prononcent massivement pour la divulgation des contrats et le retour sous régie publique. La Commission européenne et la Commission allemande de la concurrence s’en mêlent également. Cette dernière estime que le contrat signé avec Veolia viole la loi allemande, et impose une baisse de 18% du prix de l’eau !

La ville-État de Berlin – aujourd’hui à nouveau gouvernée par une « grande coalition » entre sociaux-démocrates et conservateurs – cède finalement à la pression. Et décide de remunicipaliser le service, à l’image de la capitale française et de nombreuses villes européennes. C’est RWE qui fait le premier pas, en 2012, en revendant ses 25% de parts dans le service de l’eau berlinois, malgré les pressions et recours judiciaire de Veolia. L’entreprise française va finalement vendre à son tour sa participation restante (25%) dans Berlinwasser pour 590 millions d’euros. A cela s’ajoutent 54 millions supplémentaires liés à des opérations financières diverses. Le groupe omet de préciser qu’il s’est battu bec et ongle contre la remunicipalisation.

Après l’eau, l’électricité ?

Porte-parole des opposants à la privatisation, la « Table-ronde berlinoise de l’eau » (Berliner Wassertisch) s’est félicitée du départ définitif de Veolia, mais estime que la somme consentie à la firme française est trop importante [1]. Les militants craignent que le coût de la cession ne pèse sur la gestion du service pendant de nombreuses années. Cela empêcherait notamment une future baisse du prix de l’eau, ce qui s’est produit à Paris suite au passage en régie sous l’égide d’Eau de Paris. Les partisans du service public estiment que Veolia et RWE ont déjà engrangé suffisamment de profits, depuis 1999, grâce à la hausse des prix et à la réduction drastique des effectifs, des travaux de maintenance et des investissements effectués.

L’Allemagne connait depuis quelques années un vigoureux mouvement de remunicipalisation des services publics. Le 3 novembre prochain, les Berlinois se prononceront dans le cadre d’un nouveau référendum populaire sur le retour en régie publique de leur réseau de distribution d’électricité. La « Table-ronde berlinoise de l’eau » ne compte d’ailleurs pas en rester là. « Maintenant, nous devons contrôler et pousser vers l’avant nos politiciens », déclare Dorothea Härlin, membre fondatrice de la Table-ronde. « Nous devons les empêcher de poursuivre la gestion de l’eau orientée vers les profits qui a si longtemps prévalu ici. C’est pourquoi la Table berlinoise de l’eau a déjà publié l’ébauche d’une Charte berlinoise de l’eau comme instrument participatif de démocratie directe, en vue d’une gestion démocratique, transparente, écologique et sociale de l’eau à Berlin. »

Olivier Petitjean, avec l’Observatoire des multinationales