Espace public

Grenoble, première ville française sans publicité

Espace public

par Agnès Rousseaux

Halte aux panneaux publicitaires ! La ville de Grenoble a décidé de sauter le pas. Elle ne reconduira pas son contrat avec le groupe d’affichage et de mobilier urbain JCDecaux, et ne lancera pas de nouvel appel d’offre. A partir de janvier, plus de 300 panneaux seront démontés, conformément aux promesses de campagne du nouveau maire Eric Piolle (Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes). Ces 2000 m2 d’espaces publicitaires seront remplacés par des arbres et par « 300 points d’affichage libre ».

Les nouveaux espaces d’expression permettront d’afficher des informations culturelles et associatives, ou de favoriser l’expression d’opinion (citoyenne, politique, syndicale,...). « Grenoble libère l’espace public », titre le dossier de presse de la municipalité. Mais la publicité ne disparaîtra pas encore complétement du paysage urbain : le contrat de gestion des 1000 abribus par JCDecaux court jusqu’en 2019. Après cette date, la publicité aura-t-elle encore droit de cité à Grenoble ?

Un acte criminel, estime Jacques Séguéla

La décision de la ville a fait réagir le publicitaire Jacques Séguéla. « Si la publicité ne servait à rien, ça se saurait ! Il y a longtemps qu’on l’aurait supprimée. (...) L’affiche, c’est le dernier mètre avant l’achat. C’est un des premiers stimulateurs de l’économie urbaine. Supprimer l’affichage, c’est vouloir assassiner le petit commerce en ville », s’indigne-t-il, dans une interview pour le site grenoblois PlaceGrenet. « Je ne comprends pas qu’un maire digne de ce nom prive les commerçants de ce stimulus indispensable. C’est criminel. »

Seules les très grandes entreprises et les multinationales peuvent s’offrir de coûteuses campagnes d’affichage, explique la municipalité. Qui a par ailleurs décidé d’un moratoire sur le développement des grandes surfaces, pour défendre le commerce de proximité. « Je ne vois pas pourquoi maintenant seule la culture aurait droit à la publicité (...) Si vous abaissez l’envie d’acheter, vous courez directement vers la déflation et in fine vers la fin du système », poursuit Jacques Séguéla. « Ce n’est pas parce que les banques ont fait sauter le système qu’il faut s’en prendre à l’affichage », ose même le publicitaire. « Et puis, il y a pour moi pire que cela. Méfions nous des castrateurs d’imaginaire ! C’est le début de toute dictature. »

A Grenoble, on reste plus pragmatique. Pour continuer à être rentable, la publicité urbaine doit franchir un seuil et s’engager vers les écrans digitaux, puis vers la publicité télévisuelle dans la rue, explique la municipalité (sur les écrans publicitaires numériques, lire ici). Une voie dans laquelle elle ne souhaite en aucun cas s’engager. Le nouveau contrat n’aurait donc rapporté qu’au maximum 150 000 euros par an (contre 645 000 pour la précédente décennie). Le manque à gagner lié à la suppression des panneaux publicitaires sera en partie compensé par la baisse du budget « protocole », qui a diminué de 190 000 euros entre 2013 et 2014. En avril dernier, les élus municipaux ont également voté une baisse de 25% de leur indemnités, permettant une économie de près de 300 000 euros par an (1,7 million d’euros sur la totalité du mandat). C’est quand même mieux que du marketing !

@AgnesRousseaux

 Voir le dossier de presse détaillé.
 La présentation de cette initiative par la municipalité de Grenoble :

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