Depuis que la cabale contre l’instruction en famille (IEF) a commencé, vous avez, monsieur le Ministre, utilisé des mots, des phrases-chocs pour parler de l’école et de l’IEF. Aujourd’hui nous parlerons des « enfants sauvages », expression que vous avez utilisée pour qualifier les enfants instruits en famille le 22 janvier 2021 à l’Assemblée nationale. Nous vous ferons part de deux anecdotes pour vous montrer à quel point nos deux sauvages sont attachés aux valeurs de solidarité et de probité.
La première concerne notre petite sauvage, elle n’a pas encore tout à fait six ans. Nous sommes sympathisants d’une association accueillant des personnes exilées, au cours d’une conversation, elle entend que le jeune couple avec lequel nous nous entretenons est dans une situation financière extrêmement difficile. Elle quitte quelques instants le jardin pour rentrer dans la maison et revient en leur offrant une enveloppe dans laquelle elle a simplement vidé sa tirelire. Ce geste est pour nous une représentation spontanée de la fraternité, peut-être une solidarité à la fois sauvage et naturelle, à vous de voir, monsieur le Ministre.
La seconde anecdote porte sur notre petit sauvage qui n’a de cesse de s’interroger sur des propos tenus par le président de la République, dans une interview à Brut début décembre. En effet, ce jour-là, le président a tenu à rassurer une dame du prénom de Lydia en lui assurant que les familles pratiquant l’IEF, dans le respect des valeurs de la République, n’avaient rien à craindre. Cette promesse, loin d’être tenue, est quelque chose qui l’a beaucoup peinée et déçue. Pour notre petit sauvage, les promesses sont des dettes, elles se doivent d’être honorées, d’autant plus si elles sortent de la bouche du président de notre pays.
Vous présentez nos enfants comme coupés du monde}
Vous présentez nos enfants comme coupés du monde. Sachez que nos deux sauvages ont, depuis quelques mois, décidé avec une grande pugnacité de monter une association réservée aux enfants. Cette association qu’ils ont baptisée « Cœur comme idée » se veut participer à la préservation de la biodiversité. Ils ont fabriqué des formulaires, des prospectus, des dessins, ils se sont renseignés sur le fonctionnement des associations en France, ils ont créé un bureau. Leur association compte aujourd’hui douze membres. Certains membres sont des enfants scolarisés, d’autres sauvages, ce qui ne semble pas les empêcher de communiquer. Leurs projets à court terme sont de dépolluer un site naturel, de faire ensemble du land art et de fabriquer des abris pour les hérissons.
Le président a tenté un amalgame entre terrorisme et IEF qui n’a pu être démontré. Vous continuez pourtant à vous acharner sur l’IEF en portant à l’égard des familles et de leurs enfants des jugements dévalorisants et méprisants. Nous ne vous demandons pas d’aimer l’IEF, simplement de la respecter en tant que liberté. Reconnaître ses torts, présenter ses excuses n’est pas un aveu de faiblesse, c’est au contraire un acte de courage. C’est en tout cas ce que nous apprenons à nos petits sauvages.
Les enfants en IEF sont peu nombreux, ils sont tous différents et sont en IEF pour des raisons très diverses. Monsieur le Ministre, cessez cette mascarade, débattez et réfléchissez aux actions que vous pouvez entreprendre avec les enfants qui fréquentent l’école de la République et ne passez plus vos journées et vos nuits à tenter de trouver une solution pour abattre l’IEF dont vous avez fait votre ennemi numéro un. En cette période de crise sanitaire, l’école de la République va mal, les enseignants ont des questions, des revendications, les étudiants souffrent, occupez-vous d’eux plutôt que de nous. Nos deux sauvages seront contrôlés en mars, faites confiance aux personnels de l’éducation nationale qui nous recevront.
Monsieur le ministre, supprimez l’article 21, reconnaissez vos erreurs et vous ferez partie des hommes politiques courageux. Montrez à nos enfants sauvages et aux autres que la démocratie a ses faiblesses mais que loin de s’enfoncer dans les écueils actuels de décisions arbitraires et opportunistes, elle peut se relever grâce aux valeurs qui la soutiennent.
Respectueusement,
Adeline Facy et Romain Sardy
Pour plus d’information, voir aussi le site de l’association Les enfants d’abord (LEDA).
Photo d’illustration : CC Luc Durocher