Violence patronale

Intérim : une entreprise sans foi ni loi

Violence patronale

par Ludovic Simbille

Salariés insultés, syndicalistes agressés… Depuis cinq mois, une agence d’intérim parisienne multiplie les provocations contre les travailleurs sans papiers qu’elle emploie dans le bâtiment. Ceux-ci ont osé se mettre en grève pour le simple respect de la loi : leur droit à être déclaré et régularisé.

« La société Multipro est un rempart et ne cédera pas devant le fascisme. Tous unis contre le mensonge, la calomnie et le terrorisme », annonce un écriteau sur la devanture. Les « fascistes », « calomniateurs » et autres « terroristes » sont, selon cette entreprise de travail temporaire, les salariés sans papiers qu’elle refuse de déclarer. L’avertissement n’a, semble-t-il, pas dissuadé ces derniers : 32 travailleurs sans papiers sont en grève depuis le 23 octobre 2009. À l’appel de leur syndicat, Solidaires, plusieurs dizaines de soutiens ont manifesté ce 19 mars devant l’agence d’intérim, dans le 11e arrondissement de Paris, pour obliger la direction à négocier puis à signer les contrats de travail nécessaires à l’obtention de papiers.

Multipro multirécidiviste

« On est venu lui montrer que la rue ne lui appartient pas », lance Sébastien du syndicat Solidaires. C’est pourtant la rue que le directeur adjoint de l’agence, Thierry Belhassen - le fils d’André Belhassen, directeur de Multipro - choisit pour rappeler que, non content d’avoir le verbe haut, il pouvait avoir la tête dure. Face à un syndicaliste qui a l’insolence de venir lui parler, le directeur adjoint conclut l’échange par un coup de tête zidanesque. L’arrivée de la police lui permet ensuite d’aller chercher ses employés dans les locaux de l’agence, moquant les slogans « Thierry voyou, patron voleur » des manifestants. Le vendredi étant jour de paye, il transforma pour l’occasion le restaurant du coin de la rue en agence d’intérim.

Multipro a l’habitude de créer des agences. Alors que la direction prétendait ne pas pouvoir payer la taxe Anaem relative à l’embauche d’étrangers pour raison financière, elle a ouvert une agence près de la place de la Nation, à Paris, pour remplacer celle occupée par le collectif de grévistes, boulevard Ménilmontant. C’est devant cette nouvelle boutique que le 24 février dernier s’étaient rassemblés près de 400 soutiens, militants associatifs, syndicaux et élus afin de protester contre les violences patronales du 19 février, envers les grévistes. Les dirigeants de Multipro n’en sont pas à leurs premiers coups d’éclats. Pour l’instant, dans une quasi impunité.

À patron têtu, grévistes obstinés

Alliant insultes racistes, agressions physiques et mutisme, les dirigeants persistent depuis cinq mois dans leur entêtement mais ne signent toujours pas les formulaires d’embauche Cerfa, nécessaires à la régularisation. Après avoir accepté de reconnaître quatre grévistes lors de pourparlers le 9 janvier, ils sont finalement revenus sur leur décision arguant un manque de travail. Le directeur, André Belhassen, a transmis au procureur de la République l’ordonnance du référé daté du 25 janvier qui stipule l’expulsion des locaux.

Côté grévistes aussi, on s’organise : « Plusieurs plaintes ont été déposées, une enquête est instruite par le Procureur de la République parce qu’on va pas le laisser faire », préviennent-ils au mégaphone. L’inspection du travail a également été saisie pour que les négociations reprennent mais, précise Sébastien, « par l’intermédiaire des avocats vu ce qu’il s’est passé ». En parallèle, grévistes et syndicats poursuivent leurs actions. La semaine passée, ils ont occupé les dépôts de chantiers des entreprises LDT, Sotravia et Doyère pour interpeller les principaux donneurs d’ordres de Multipro.

Loudo S.