Pollution chimique

Jouets, attention danger !

Pollution chimique

par Nolwenn Weiler

Des jouets par milliers... et des polluants par centaines. Ainsi pourrait-on, en exagérant à peine, décrire l’avalanche que s’apprêtent à recevoir les enfants, en ces joyeux temps de Noël. De nombreuses substances chimiques – phtalates, métaux lourds, formaldéhyde, etc. – sont contenues dans les joujoux en plastique dont regorgent nos magasins. Les jouets en bois recomposé, peint ou vernis sont également concernés. Face à ce désastre, des associations tirent la sonnette d’alarme et somment les décideurs, nationaux et européens, de prendre de véritables mesures de prévention.

Si elles sont loin d’être évaluées dans leur totalité, les conséquences sanitaires des polluants chimiques qui nous entourent, sont maintenant avérées. L’idée selon laquelle c’est le moment de contact avec le polluant, plus que la dose, qui fait l’ampleur des dégâts commence, elle aussi, à faire son chemin. On découvre ainsi que les enfants sont des victimes préférentielles de la pollution chimique. Parce que leurs cellules, notamment celles du cerveau, sont en pleine élaboration. Plus vulnérables, ils sont sans doute aussi plus exposés, notamment via les jouets. Toujours plus doux, plus mous, plus colorés, plus parfumes et... plus pollués !

Dans une enquête publiée en 2009, le magazine 60 Millions de consommateurs, avait ainsi révélé la présence de métaux lourds, formaldéhyde et/ou phtalates, dans 32 jouets sur 66 testés !
Parmi ces polluants : « le plomb, un métal lourd retrouvé dans les peintures de certains jouets ou bijoux pour enfants, et qui est un neurotoxique reconnu, aux effets délétères sur le développement du cerveau, et ce dès les premiers degrés d’imprégnation », rappelle Élisabeth Ruffinengo, juriste, chargée de plaidoyer pour l’association Women in Europe for a common future (WECF).

Couleurs et parfums cancérigènes

Autres neurotoxiques, par ailleurs perturbateur endocrinien : les phtalates, ces substances plastifiantes ajoutées au PVC afin de lui conférer de la souplesse. 60 millions de consommateurs a aussi trouvé sur les jouets testés du formaldéhyde, une molécule classée comme cancérigène avérée par le Centre internationale de recherche sur le cancer (CIRC). Plus récemment, le magazine allemand Stiftung Warentest a révélé la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans la moitié des jouets testés. Ces composés dérivés du pétrole, qui se retrouvent dans les jouets à travers les assouplissants, les couleurs et les laques, sont, pour certains d’entre eux, cancérigènes.

Pourtant, avec un chiffre d’affaires de 64,6 milliards d’euros et une croissance de près de 4% en 2009, le marché mondial du jouet, très dynamique, aurait éventuellement les moyens de faire quelques efforts en matière de qualité sanitaire de ses produits. Et l’Europe, qui arrive en tête des grandes zones géographiques avec un chiffre d’affaires de plus de 18 milliards d’euros, avec la France comme premier marché du jouet de l’UE, pourraient faire encore mieux !

Un peu, beaucoup ou pas du tout de mercure ?

Or, si la Directive jouet a été revue et corrigée l’année dernière (suite, notamment aux scandales de 2007 sur les jouets défectueux arrivés de Chine), il semble qu’elle souffre de quelques lacunes.
« Les retardateurs de flamme par exemple, dont beaucoup sont des perturbateurs endocriniens ne sont pas mentionnés dans la directive », souligne Élisabeth Ruffinengo.

Autre souci, parmi d’autres : les métaux lourds, dont la dosimétrie autorisée est actuellement discutée par un petit groupe d’experts à la Commission européenne. « Nous trouvons ce genre de discussion totalement décalée, dit Élisabeth Ruffinengo. Qu’est-ce que du cadmium, mercure ou baryum ont affaire dans des jouets ? Il faut simplement les interdire. »

Autocertification

Quant au contrôle des doses de polluants contenues dans les jouets commercialisés, il est plutôt dilettante, voire nul. « Le logo CE est appliqué par le fabricant lui-même, détaille Elisabeth Ruffinengo. C’est de l’autocertification, basée sur la seule bonne foi. Qui, même si elle existe chez certains fabricants, ne peut sérieusement pas servir de principe de base à une certification. » Par ailleurs, et contrairement aux produits cosmétiques, les composants des jouets, dont beaucoup sont donc susceptibles d’être dangereux, ne sont pas mentionnés sur les boîtes, étiquettes ou jouets eux-mêmes.

Alertée par ces diverses entorses au principe de précaution, l’Allemagne a récemment demandé la révision de la directive concernant les HAP, que l’on retrouve par trop souvent dans les joujoux de nos enfants. Côté français, c’est silence radio. Il faut dire que ces exigences de jouets de qualité, ou d’instance de contrôle bien structurée, s’accommoderaient mal avec la politique de sape des dépenses publiques. La Direction générale de la concurrence,de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée, entre autres, de contrôler le bon état sanitaire des jouets, dispose en effet de moyens de plus en plus réduits.

Des solutions ?

Faut-il donc revenir à la simple orange posée sur la cheminée de nos grands-mères ou aux voitures en pomme de pin ? Heureusement non. Il existe des fabricants qui font des efforts. Parmi eux : Bioviva, Papili, Happy to see you, Nature et Découvertes ou encore Lego. On trouve par ailleurs des conseils d’achats et de bonne conduite dans le petit guide mis en ligne par le WECF. Qui conseille de préférer les poupées en tissus, les peluches non rembourrées, ou encore les jouets sans parfum... On peut aussi suggérer de limiter le nombre de jouets, histoire de minimiser, en plus de l’exposition aux polluants, les tonnes de déchets que nos enfants auront à gérer, une fois devenus grands.

Nolwenn Weiler

P.-S.

Pour des jouets « écologiques », vous pouvez consulter le site Eco-Sapiens