Report de votes

Présidentielle : la tentation Le Pen concerne davantage la droite que la gauche

Report de votes

par Samy Archimède

La consultation lancée par Jean-Luc Mélenchon auprès de ses soutiens, adhérents à la France insoumise le soir du premier tour de l’élection présidentielle, a livré un verdict sans appel. 65 % des personnes qui y ont répondu refusent de choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour : 36 % voteront blanc ou nul ; 29 % s’abstiendront. Seuls 34,8 % feront barrage à la candidate d’extrême droite en votant pour Emmanuel Macron. Un peu plus d’un Insoumis sur deux - soit 243 128 personnes - s’est exprimé lors de cette consultation en ligne. L’option « Marine Le Pen » ne leur était pas proposée.

Un électeur de Mélenchon sur deux voterait Macron le 7 mai

La défiance exprimée vis-à-vis d’Emmanuel Macron éclaire la position prudente adoptée par le fondateur du Parti de gauche depuis les résultats du premier tour. Critiqué dans les médias pour son refus d’appeler à voter pour le candidat d’En marche pour barrer la route à Le Pen, Jean-Luc Mélenchon avait indiqué le 23 avril qu’il n’avait « reçu aucun mandat » de ses 430 000 soutiens « pour [s]’exprimer à leur place » sur la conduite à adopter au second tour. Le 30 avril, au journal de 20H de TF1, il a exhorté les Français à ne pas faire « la terrible erreur de mettre un bulletin de vote Front national » dans l’urne, tout en refusant de grossir les rangs d’un front républicain qui, selon lui, « consiste à donner des brevets de pompier à des pyromanes ».

Le noyau dur de la France Insoumise, qui a rejeté massivement le vote Macron, ne représente cependant que 3 % des personnes qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Que feront, dimanche prochain, ces 7 millions d’électeurs ? Près de la moitié d’entre-eux (47%) s’apprêtent à glisser un bulletin « Emmanuel Macron » dans l’urne, selon une étude Ipsos Sopra-Steria publiée le 2 mai. Un chiffre bien supérieur à celui des adhérents insoumis (34,8%), mais en forte baisse depuis le lendemain du premier tour, avec quinze points de moins. A l’inverse, les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen ont progressé : entre 13% et 19 % des électeurs de Mélenchon envisageraient, selon les différentes études, de voter Marine Le Pen. Un peu plus d’un électeur de Mélenchon sur trois n’exprime pas encore son choix ou s’abstiendrait.

Tentation FN : le vote de la peur

A l’inverse, toujours selon Ipsos, les trois quarts des électeurs de Benoit Hamon voteraient Emmanuel Macron. Marine Le Pen ne recueillerait que 5% de leurs suffrages. Pourquoi une telle différence entre « hamonistes » et « mélenchonistes » ? Les premiers estiment qu’Emmanuel Macron est plus convaincant que la candidate frontiste dans tous les domaines, alors que le jugement des seconds est moins tranché. Aux yeux des électeurs de Mélenchon, le fondateur d’En Marche ! est certes jugé plus crédible sur la plupart des sujets (questions européennes, place de la France dans le monde, lutte contre le chômage, pouvoir d’achat…). Mais il ne résiste pas à la comparaison avec sa rivale lorsqu’il s’agit d’immigration, de lutte contre la délinquance et de terrorisme. Macron serait même moins convaincant que Marine Le Pen en matière de réduction des inégalités, malgré les positions anti-sociales du FN.

Reste que c’est à droite que la tentation du vote Le Pen est la plus forte : entre un quart et un tiers (selon les différentes études) des 7,2 millions d’électeurs de François Fillon déclarent voter pour l’extrême droite au second tour. Un quart d’entre eux demeurent indécis. Quant aux électeurs de Nicolas Dupont-Aignan (1,7 million), la moitié rallierait, comme leur candidat, l’extrême droite.

Paradoxe : si Emmanuel Macron est en position favorable pour remporter le second tour – avec actuellement 59% des intentions de vote –, il est le candidat pour lequel on vote le plus « par défaut » : c’est le cas de 60% de ses électeurs, contre 41% pour ceux de Marine Le Pen, selon l’enquête réalisée par Ipsos pour le Cevipof.

Photo : © Serge D’Ignazio. Manifestation du 1er mai 2017, Paris.