Environnement

La justice française suspend l’autorisation de deux pesticides « tueurs d’abeilles »

Environnement

par Sophie Chapelle

Enfin un répit pour les pollinisateurs ! Le tribunal administratif de Nice a ordonné, le 23 novembre, la suspension de l’autorisation de mise sur le marché de deux insecticides, le Closer et le Transform, développés par le géant américain Dow Agrosciences [1]. Ces deux insecticides contiennent la même molécule active, le sulfoxaflor, apparenté selon ses détracteurs à un néonicotinoïde, un insecticide agissant sur le système nerveux central des insectes. Or, le sulfoxaflor n’est pas classé comme tel par les industriels et les agences réglementaires en Europe, ce qui a conduit l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) à autoriser la mise sur le marché du Closer et du Transform le 27 septembre dernier [2].

 Lire notre précédent article : Alors qu’insectes et abeilles disparaissent, deux nouveaux insecticides sont mis sur le marché

Principe de précaution

Dans son ordonnance, le tribunal demande la suspension immédiate de l’autorisation de ces deux produits, « jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur [leur] légalité ». Il se fonde notamment sur le principe de précaution du fait « des incertitudes [qui] subsistent sur l’existence ou la portée de risques ». Alors que le fabricant recommande d’épandre ces produits à raison d’une seule dose par an, et au moins cinq jours avant la floraison, le tribunal s’interroge notamment sur les faiblesses de la mise en application de ces recommandations :

Il en résulte que l’autorisation de mise sur le marché de ce produit accordé à la société Dow Agrosciences SAS ne garantit avec certitude, ni son utilisation exclusive et conforme par ces professionnels, ni la formation effective de ceux-ci à l’utilisation de ce produit, ni que les doses utilisées sans contrôle au moment de leur épandage ne présenteraient de danger pour les abeilles, dont la population est déjà fragilisée, et la santé publique.

Le tribunal rappelle également que les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique et solidaire ont saisi le 20 octobre dernier l’Anses en lui demandant d’analyser « des données complémentaires relatives aux risques du Sulfoxaflor » et d’indiquer au gouvernement dans les trois mois si elles sont de nature à modifier les deux autorisations de mises sur le marché [3]. Cette saisine « confirme l’absence de certitude quant à l’innocuité de ce produit », note le tribunal dans son ordonnance.

Dans un communiqué, l’Anses « prend acte de la décision du tribunal de Nice » et « suspend immédiatement les deux autorisations de mise sur le marché ». L’Agence confirme qu’elle fera part de ses observations dans un délai de trois mois. Dow Agrosciences et l’Anses disposent par ailleurs de quinze jours pour faire appel de ce jugement devant le Conseil d’État. L’association Générations futures, à l’origine de ce recours, est désormais dans l’attente d’une audience de procédure sur le fond.

Photo : CC Pittou2

Notes

[1Lire les jugements pour le Closer ici et pour le Transform

[2Voir la fiche sur le sulfoxaflor réalisée par l’Union nationale de l’apiculture française

[3Voir le communiqué commun des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique et solidaire à l’Anses