Justice

Le « délit de solidarité » serait-il de retour ?

Justice

par Nolwenn Weiler

Le 27 août prochain, un citoyen français devra se présenter devant le tribunal correctionnel du Havre pour avoir établi une « fausse attestation » d’hébergement, en faveur d’une personne étrangère gravement malade et soignée au Havre. Sans cette attestation exigée par la préfecture, elle n’aurait pu déposer de demande de titre de séjour. « Ce militant associatif a donc agi, évidemment sans contrepartie, dans un souci d’humanité, par solidarité et par nécessité afin de venir en aide à une personne en détresse », notent les sections locales du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France, et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Les trois organisations dénoncent une « criminalisation de l’entraide » et rappellent que « le législateur a clairement aboli le délit de solidarité le 31 décembre 2012 ».

L’expression « délit de solidarité », lancée par ses opposants, fait référence à l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros, ce délit permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France ». En vigueur depuis 1945, l’article a beaucoup fait parler de lui après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007. Il a été utilisé par des policiers et des magistrats pour intimider les bénévoles venant en aide aux sans-papiers. La suppression de ce « délit de solidarité », vigoureusement dénoncé par le secteur associatif, faisait partie des promesses socialistes. Le 31 décembre 2012, une loi a modifié le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. De façon à pouvoir poursuivre les passeurs, mais pas les bénévoles et citoyens agissant par simple solidarité. La convocation du Havre semble revenir sur cette abrogation.

En réaction à cette convocation, des militants de la LDH envisagent d’envoyer une lettre ouverte au procureur du Havre, dans laquelle ils se déclareraient tous « coupables » d’avoir réalisé de telles attestations d’hébergement pour des personnes en situation irrégulière.