Charbon

EDF échappera-t-elle à la « mobilisation universelle » en faveur du climat ?

Charbon

par Rachel Knaebel

Deux ministres du gouvernement, Laurent Fabius et Ségolène Royal, viennent d’appeler à « une mobilisation universelle et immédiate » sur le changement climatique, qu’ils considèrent comme « une menace grave pour la biodiversité, la sécurité alimentaire et la santé ». Il était temps alors que les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevées depuis 800 000 ans, selon le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Mais ce serait encore mieux si cette « mobilisation universelle » s’appliquait aux entreprises dont l’État est propriétaire, en particulier EDF.

En apparence, l’entreprise à capitaux publics semble faire des efforts : EDF est en train de fermer la plupart de ses centrales à charbon françaises. Les installations construites il y a plusieurs décennies ne respectent plus les normes européennes en matière d’émissions atmosphériques. Et les moderniser coûterait trop cher. Une centrale à charbon ne rejette pas seulement du CO2. D’autres substances polluantes se retrouvent en quantité dans l’atmosphère après la combustion du charbon : les oxyde d’azote, qui ont des effets sur la santé, sur l’effet de serre et contribuent au phénomène des pluies acides, le dioxyde de soufre et les suies, qui portent atteinte au système respiratoire. Une directive européenne de 2010 (directive sur les émissions industrielles, IED) oblige les centrales à charbon du continent à réduire leur émissions des ces polluants atmosphériques d’ici au 1er janvier 2016. Pour le faire, les exploitants des centrales y installent des filtres, des unités de désulfuration et de dénitrification des fumées. C’est ce que fait EDF sur les centrales françaises que le groupe va garder en fonction après 2016. Celles qui ne sont pas modernisées doivent cesser leur activité.

Mais voilà que la Pologne, pays grand défenseur du charbon et qui tire encore 90 % de son électricité de ce combustible, a obtenu de Bruxelles le droit d’exploiter ses centrales jusqu’en 2020 sans en réduire les émissions. Les exploitants des centrales à charbon du pays pourront donc tranquillement continuer à émettre autant de suies, d’oxydes d’azote et de dioxyde de soufre qu’avant, et ce pendant encore cinq ans. Parmi les principaux bénéficiaires de cette dérogation : EDF ! Le groupe français exploite en Pologne la grande centrale à charbon de Rybnik (d’une capacité de 1 775 MW, autant que Fessenheim) ainsi que plusieurs stations de cogénération électricité et chaleur qui fonctionnent en grande partie au charbon (Voir notre article). Et EDF va pouvoir déroger aux obligations européennes en matière de réduction des polluants pour toutes ces installations (comme l’indique la Commission européenne dans sa décision du 17 février 2014) : la centrale de Rybnik et les unités de cogénération de Torun, Gdansk, Gdynia, et Cracovie, ainsi que Wroclaw et Czechnica pour sa filiale Kogeneracja.

« Nous avons aujourd’hui une situation où les centrales à charbon d’EDF en France vont être équipées de filtres de dépollution, d’unités de désulfuration et de dénitrification, et pas en Pologne, déplore Kuba Gogolewski, coordinateur pour la Pologne à l’ONG CEE Bankwatch Network. Les citoyens polonais vont subventionner EDF avec leur santé, alors que les profits d’EDF sont largement assez importants pour pouvoir financer la modernisation de toutes les centrales électriques et stations de cogénération du groupe en Pologne. Le cas de l’unité de cogénération de Cracovie est encore plus scandaleux. C’est l’une des villes les plus polluées d’Europe. Ce qui a conduit les autorités locales à interdire les chauffage au charbon et au bois pour les particuliers. » En 2013, EDF a réalisé un bénéfice net de 3,5 milliards d’euros.

Au Royaume Uni, EDF exploite deux centrales électriques à charbon, West Burton et Cottam, classées 14e et 18e au rang des centrales à charbon européennes les plus polluantes [1]. Ce qui est peu étonnant, puisqu’elles sont en fonction depuis 1969 ! Compte tenu des nouvelles normes européennes en matière d’émissions atmosphériques, elles devraient arrêter leur activité en 2016. Pourtant, ces deux centrales vont en fait bénéficier d’un autre type de dérogation aux obligations de réduction de la pollution. Et EDF va ainsi pour voir exploiter ces centrales construites dans les années 1960 jusqu’en 2023. Sept ans d’exploitation en plus qui ne vont pas aider à respecter les objectifs du dernier paquet énergie climat, tout juste adopté par les gouvernements européens.

Notes

[1Par le rapport d’ONG Dirty 30.