#imagineLaGauche

Leyla, 26 ans : « Etre de gauche, c’est lutter contre toutes les violences et les discriminations »

#imagineLaGauche

par Nolwenn Weiler

Qu’est-ce qu’être de gauche selon vous ? Y a-t-il encore du sens à se dire de gauche ? Comment voit-on la gauche du futur ? Quelles sont ses valeurs, ses idées, ses projets, ses défis ? #imagineLaGauche, c’est la série lancée par Basta!, pour comprendre, reconstruire, rêver, renouveler, mettre en débat… Salariés, chômeurs, retraités, étudiants, paysans, militants associatifs, syndicalistes, artistes, chercheurs, jeunes et moins jeunes, témoignent.. Aujourd’hui, Leyla Larbi, 26 ans, juriste à Bordeaux.

Il y a chez nous deux types de racisme. Le racisme ordinaire, celui que l’on subit dans la rue quand on se fait insulter. Celui là est dénoncé et combattu, notamment parce qu’il est traduit dans la loi par des délits. Mais il y a aussi le racisme systémique, celui qui écrase toute une partie de la population et l’empêche d’accéder aux responsabilités, au sein des associations, dans les écoles, dans les collectivités territoriales, dans les entreprises, à l’assemblée nationale. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder qui détient le pouvoir, en France : ce sont majoritairement des hommes, blancs, ayant fait de longues études supérieures.
 
En finir avec l’impunité des policiers violents

Quand on regarde les violences policières, terribles en soi, la structure raciste de notre société apparaît très clairement : les personnes victimes de violences sont presque toujours racisées. Les électeurs de gauche commencent à se saisir de cette question des violences policières parce qu’ils subissent une forte répression. On l’a vu lors de la loi travail, où avec la mort, dramatique, de Rémi Fraisse, qui a été un vrai déclencheur. Mais, dans nos quartiers, cela fait des décennies que la police tue ! La lutte contre cette violence est tout à fait prioritaire.

Elle doit passer par la fin de l’impunité de ceux qui perpétuent les violences. Si on se penche sur le « cas » d’Adama Traoré, mort le 19 juillet dernier après son interpellation à Beaumont-sur-Oise par des gendarmes, on découvre qu’un procureur a menti, qu’un médecin légiste a menti, que des pompiers ont subi des pressions. Idem, avec le viol du jeune Théo, la violence est euphémisée et l’IGPN parle d’« accident ». Il y a une volonté de cacher, d’encourager ces pratiques violentes et discriminatoires, à plusieurs niveaux. C’est intolérable.

Abroger les lois islamophobes

Mais le racisme systémique est véhiculé par tout l’appareil d’État – des lois, des fonctionnaires... – et à toutes les échelles de ce qui structure notre société : école, logement, travail. Il atteint la vie des personnes racisées de mille et une façon. Les femmes voilées par exemple sont exclues à 100% du marché du travail. C’est la seule classe socio-économique qui n’a pas du tout accès au travail, sauf pour faire le ménage : elles peuvent rouler leur foulard sur l’arrière de la tête, ça fait exotique, et un peu moins islamique, cela devient acceptable.

Il faut remettre cette question du racisme systémique au cœur du combat ; abroger les lois islamophobes, notamment celle de juillet 2004 qui interdit le port de signes religieux ostentatoires, mais qui visait en réalité l’exclusion des femmes voilées. Il existe aussi des circulaires islamophobes comme celle qui interdit aux mamans voilées d’accompagner les sorties scolaires, et des affaires comme Babyloup qui tendent à légaliser l’exclusion des femmes voilées du secteur privé [1].

Lutter contre les discriminations quotidiennes envers les femmes

La lutte contre les discriminations quotidiennes que subissent les femmes est un autre combat abandonné par la gauche au pouvoir, tout comme l’urgence et la justice climatiques, la corruption ou l’évasion fiscale.... Les contrats à temps partiels sont quasi-exclusivement réservés aux femmes. Mais quand on travaille 26h au lieu de 35h, les journées ne sont pas beaucoup plus courtes. Seule la paye diminue très franchement. C’est une source de discrimination terrible.

Les femmes ont beaucoup plus de difficultés à accéder au marché de l’emploi, à des postes à la hauteur de leur qualification et à des postes de pouvoir. Si en plus elles sont noires ou arabes, elles ont des postes encore moins qualifiés et des horaires de travail encore plus ingrates. Du fait de cette discrimination socio-économique, elles sont obligées d’habiter très loin de leur lieu de travail, dans les banlieues les plus pourries. Il y a en France des enfants qui se lèvent à 5h du matin parce que leur maman travaille à 8h dans le centre ville.

Les violences faites aux femmes touchent toutes les catégories sociales

Les femmes peuvent avoir des besoins spécifiques par rapport aux hommes – grossesse, allaitement, endométriose... – et les textes de lois sont encore trop pauvres ou inexistants pour permettre une véritable équité entre les sexes. Ce n’est pas juste ! En France, les véritables problématiques structurelles de la domination de genre ne sont jamais abordées. Prenons la question des violences faîtes aux femmes. En pleine polémique sur le Burkini, cet été, il n’y avait pas vingt députés à l’assemblée nationale pour le vote d’un amendement visant à rendre inéligibles les élus coupables d’agressions sexuelles. Cet amendement a d’ailleurs été rejeté, alors que c’est quand même le minimum si l’on attache un peu d’importance au caractère irréprochable de la République !

Cet épisode est très signifiant sur le mépris que les gens de pouvoir manifestent envers les violences faites aux femmes. Mais aussi envers les arabes et les noirs, qui seraient les seuls à maltraiter ces femmes. Combien de femmes, quand elles vont porter plainte, se retrouvent empêchées de le faire ? Ou entendent les gendarmes prendre la défense de l’homme violent ? Rappelons nous qu’une femme meurt (officiellement) tous les trois jours sous les coups de son conjoint ; et cela touche toutes les catégories sociales. Où vivons-nous ? En Arabie Saoudite ?

Propos recueillis par Nolwenn Weiler

Notes

[1Babyloup est le nom d’une crèche où une salariée avait été licenciée en 2008 pour avoir refusé de retirer son voile. Pour en savoir plus, voir ici.