« Je m’engage à tenir l’objectif de 32 % en termes d’énergies renouvelables. On doit accélérer les investissements dans ce secteur », twittait Emmanuel Macron en février 2017, quelques mois avant son élection. « D’ici à 2022, nous avons pour objectif de doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque », annonçait aussi son mouvement En marche dans son programme présidentiel.
Au moment où Macron entre à l’Élysée, les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydraulique, biomasse) fournissaient 18,4 % de l’électricité consommée en France. Le pays accuse déjà un certain retard : en 2017 en Espagne, l’électricité produite par les énergies renouvelables couvre plus de 36% de la consommation, 34 % en Italie et en Allemagne [1].
Cinq ans plus tard, où en est-on ? 26% de l’électricité vient des énergies renouvelables en France, contre 45 % en Allemagne. « La France est en retard en matière d’énergies renouvelables », constate le Réseau action climat dans son bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron et de sa majorité présidentielle, consacré au climat et à la transition énergétique.
Les engagements climatiques pris en 2008 par l’Union européenne avait fixé à la France l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation globale brute d’énergie (ce qui comprend l’électricité, la chaleur et les transports) d’ici à 2020 [2]. Ce premier objectif n’a pas été atteint : seulement 19,1 % de la consommation énergétique globale française viennent des énergies renouvelables, soit 4 % de moins que le but fixé. C’est le seul pays de l’UE à ne pas avoir tenu son engagement. Au même moment, fin 2019, plus de la moitié de l’énergie consommée en Suède est produite à partir de sources renouvelables, 43 % en Finlande ; 37 % au Danemark ; 33 % en Autriche.
La France, seul pays de l’Union européenne a ne pas avoir atteint son objectif de 2020
Avec cette lenteur, il est difficile de dire si notre pays pourra tenir les engagements présidentiels, confirmés dans la loi climat de 2019, d’environ un tiers de la consommation globale d’énergie issus des renouvelables en 2030. Pourtant, « la France a un potentiel énorme et le plus diversifié d’Europe pour développer toutes les filières d’énergies renouvelables, note Alexis Monteil-Gutel, chargé des énergies renouvelables à l’association Cler-Réseau pour la transition énergétique. On doit s’y mettre, activement, à la fois pour s’inscrire sur la trajectoire de la neutralité carbone d’ici 2050, mais aussi à court terme pour des raisons de sécurité d’approvisionnement en énergie, de pouvoir d’achat et de redéploiement industriel », ajoute-t-il.
Depuis 2017, la puissance installée des nouvelles éoliennes mises en service chaque année en France a baissé. Pour le photovoltaïque, elle n’a que très légèrement augmenté. Pourtant, les dépenses d’investissements publiques et privées dans les énergies renouvelables s’élèvent à 8,5 milliards d’euros en 2018 [3]. Sur les 30 milliards d’euros d’argent public dédiés à la transition écologique pour 2020 et 2021 dans le cadre du plan d’investissement « France Relance », 7 milliards doivent financer les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, dont 5,7 pour les seules énergies renouvelables électriques [4].
« Les financements publics aux énergies renouvelables ont crû sur le quinquennat, que ce soit en faveur des énergies renouvelables électriques (éolien, solaire), le gaz renouvelable (biométhane et hydrogène à travers France Relance) ou la chaleur renouvelable, salue la Réseau action climat dans son bilan du quinquennat. Néanmoins ce soutien budgétaire reste insuffisant au regard des objectifs d’énergies renouvelables de la France. » L’association juge aussi que « le cadre réglementaire reste instable » et que les « obstacles à lever sont encore nombreux » pour accélérer les installations d’énergie renouvelable. En cause : les contraintes renforcées pour l’accès au foncier pour l’éolien, l’instruction des projets trop lente, en partie faute de moyens…
Même en augmentation, « le soutien public n’est pas suffisant pour être à la hauteur de l’enjeu, notamment sur la chaleur renouvelable, juge aussi Alexis Monteil-Gutel. Il faut aller plus loin sur la question de l’intégration au territoire. On ne parviendra pas à développer massivement les énergies renouvelables "par en haut". Nous avons besoin de mieux associer les acteurs locaux, de la planification jusqu’à l’exploitation. »
« Il y a un monde entre les incantations des objectifs de développement d’énergies renouvelables et la réalité de ce que c’est de monter des projets. C’est un parcours du combattant, tout est horriblement long », témoigne Patrick Gèze, de la société citoyenne parisienne Enercit’if. Depuis sa création en 2016, celle-ci a monté 15 mini-centrales photovoltaïque sur des toits de Paris. Huit sont en service, les autres commenceront à produire de l’électricité dans le courant de l’année.
Les projets d’Enercit’if ont reçu le soutien de la ville de Paris : tant pour la mise à disposition de toits, d’écoles notamment, que du point de vue financier. Sur un million d’euros d’investissement global pour les 15 installations photovoltaïque, plus de la moitié de la somme vient de la ville de Paris, nous dit Patrick Gèze. Les projets citoyens d’énergies renouvelables peuvent aussi recevoir l’appui des régions (voir notre article). Mais dans l’ensemble, ces projets-là ne reçoivent pas assez de soutien de l’État, critique le Réseau action climat : « Aux intentions louables du gouvernement se sont opposées les nouvelles barrières telles que les restrictions à l’investissement des collectivités locales dans les projets d’énergie renouvelable de la loi énergie climat de 2019 ».
« Le problème en France, c’est que les projets citoyens ne sont pas assez impliqués, mais c’est autant de la responsabilité des citoyens, que des collectivités, des développeurs et de la règlementation », analyse de son côté François Girard, agriculteur dans le Maine-et-Loire et actif au sein de la société d’énergie citoyenne Atout vent, créée il y a dix ans. Grâce à l’implication de 380 habitants, Atout vent a racheté un premier parc de cinq éoliennes à l’industriel qui l’avait monté. La société citoyenne a maintenant un deuxième parc éolien, cette fois acheté avec les collectivités locales du département. « Les gouvernements et Parlements successifs auraient pu inciter plus à l’implication citoyenne, c’est sûr. Mais la quasi-totalité des éoliens viennent à l’origine des développeurs. À partir de là, il faut que les gens sur place se retroussent les manches », ajoute l’agriculteur.
François Girard salue l’action de l’actuelle ministre de la Transition énergétique Barbara Pompili, qui « a fait évoluer les choses en faveur des projets citoyens dans les décrets qui fixent les conditions d’accès au tarifs d’achat ». La ministre a notamment pris en octobre un arrêté facilitant l’accès aux tarifs bonifiés d’achat de l’électricité pour les petites et moyennes installations photovoltaïques. « C’est déjà une prise en compte, dit le membre d’Atout vent. Mais si les collectifs d’habitants et les collectivités locales ne se structurent pas et ne vont pas à la négociation avec les industriels, les projets citoyens ne se feront pas. »
Malgré tout, le nombre de projets portés par des habitants a augmenté ces cinq dernières années. L’association Énergie partagée, qui fédère ces collectifs de production d’énergies renouvelables, recensait seulement 15 nouvelles centrales photovoltaïque citoyennes en 2017. Elle en comptabilise désormais plus du triple, avec 50 mises en servide en 2021 [5]. Trois nouveaux parcs éoliens citoyens ont également été mis en service l’année dernière. Plus de 12 millions d’euros investis par des collectifs citoyens entre 2017 et 2020. Mais ces sommes n’ont rien à voir, en termes de force de frappe, avec les capacités d’investissement de la puissance publique.
« Quand on voit le haro sur l’éolien d’une partie des politiques qui ne jurent que par le nucléaire…, souffle Patrick Gèze,à Paris. J’ai l’impression qu’on ne se rend pas bien compte de la déconnexion entre la voie suivie partout ailleurs, qui est d’aller vers une majorité d’énergies renouvelables d’ici à 2050, et la réalité en France, qui fait qu’on est de moins en moins en capacité de développer des projets, analyse-t-il.
Dans les programmes des candidats : opposition entre renouvelables et nucléaire
Alors que les prix de l’énergie montent en flèche, les candidats à l’élection présidentielles se sont-il saisis du débat ? Emmanuel Macron a annoncé à l’automne son intention de construire de nouveaux réacteurs nucléaires EPR et d’investir dans le développement de nouveaux petits réacteurs nucléaires modulaires. L’écologiste Yannick Jadot veut de son côté, fermer les réacteurs les plus vieux « à mesure que nous déploierons les énergies renouvelables ». Il vise la construction de 12 000 éoliennes supplémentaire d’ici 2027, dont sept parcs éoliens en mer, « en tenant compte des paysages et de la biodiversité et en veillant à une répartition équitable ». Il prône aussi le développement du photovoltaïque et du biogaz, et la « nationalisation d’EDF », pour que l’entreprise devienne un « outil puissant mis au service de la transition énergétique ».
Le programme de Jean-Luc Mélenchon affiche également l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Il veut abandonner les projets de réacteurs nucléaires EPR, revenir sur la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz, stopper la privatisation des barrages hydroélectriques, et créer un pôle public de l’énergie en « renationalisant EDF et Engie et en lien avec des coopératives locales ».
La candidate socialiste Anne Hidalgo aussi affiche une volonté de « planification écologique » et des « énergies renouvelables à 100 % aussi rapidement que possible ». « Pour y parvenir, nous leur consacrerons l’essentiel de nos investissements énergétiques », dit son programme. Sur le nucléaire, la socialiste refuse la construction de nouveaux réacteurs EPR ou modulaires : « Le nucléaire sera utilisé comme énergie de transition, sans sortie précipitée pour ne pas faire flamber le prix de l’énergie », avance-t-elle. Le communiste Fabien Roussel revendique de son côté un « mix énergétique nucléaire + renouvelable en lançant la construction de huit EPR », et un « moratoire sur les fermetures des 14 réacteurs prévu d’ici 2035 ».
Rachel Knaebel
Photo : Une éolienne à Béganne, en Bretagne. ©Nathalie Crubézy et ©Jean-Paul Duarte, Collectif à-vif(s).
– Nos autres bilans du quinquennat.