Justice fiscale

Emmanuel Macron, « président des riches et des rentiers » au regard de la politique fiscale menée depuis 5 ans

Justice fiscale

par Rédaction

Suppression de l’impôt sur la fortune, baisse des impôts aux entreprises et sur les dividendes… Les réformes fiscales du quinquennat ont surtout profité aux plus riches, pointent des syndicalistes de la direction générale des impôts.

Quel bilan du quinquennat ?
Quel est le véritable bilan d’Emmanuel Macron sur les problèmes que soulève régulièrement basta! ? Pour aller au-delà de la com’, pendant toute la campagne électorale, basta! dresse pour vous des bilans du quinquennat sur une série de sujets très concrets.

60 milliards d’euros par an. C’est le montant annuel des suppressions ou réductions d’impôts accordées en cette fin de quinquennat, selon le bilan fiscal et social du quinquennat publié ce lundi par le syndicat Solidaires-Finances publiques. Ces dizaines de milliards d’euros en moins dans les caisses de l’État le sont « au nom de la compétitivité des entreprises, du pouvoir d’achat, à commencer par celui des plus riches », estime le syndicat.

On se souvient de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), qui était une promesse de campagne d’En Marche. En 2018, l’ISF est enterré et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Résultat de cette réforme ? « Le “ruissellement” attendu n’a pas eu lieu », assure Solidaires. En 2017 : 359 198 foyers fiscaux avaient acquitté 4,23 milliards d’euros d’ISF. L’impôt qui est venu le remplacer ne porte plus que sur le patrimoine immobilier non professionnel. Le capital financier en est exclu. Ce nouvel impôt n’a rapporté que 1,56 milliards d’euros en 2020, près de trois fois moins que l’ancienne contribution des plus fortunés via l’ISF en 2017. « La transformation de l’ISF en IFI a coûté 3,32 milliards d’euros aux finances publiques », conclut le syndicat. Or « la vocation originelle d’un impôt sur la fortune était de limiter les inégalités de patrimoine, et ainsi d’éviter le retour d’une société d’héritiers ». Supprimé une première fois en 1986 (par Chirac alors Premier ministre), l’ISF avait été réintroduit en 1989 pour financer le RMI, ancêtre du RSA.

En 2018, le gouvernement a aussi mis en place un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus de capitaux mobiliers : dividendes, intérêts, plus-values… Ce prélèvement inclut à la fois les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu. « Cette décision représente un allègement conséquent de la fiscalité de l’épargne », relève le bilan. Auparavant, ces revenus pouvaient être imposés jusqu’à 45 %, en fonction de l’importance totale des revenus de la personne imposable. Conséquence : « Les revenus des capitaux sont moins imposés que les revenus du travail. » La réforme a aussi incité « les entreprises à privilégier la distribution de dividendes au détriment de l’augmentation des salaires », analyse Solidaires-Finances publiques. Pour le syndicat, Emmanuel Macron n’est ainsi pas seulement le « président des riches », mais aussi « celui des rentiers ».

Les entreprises moins imposées en 2022 qu’en 2017

En matière d’impôt, Emmanuel Macron a aussi été le président des entreprises. Dans le programme d’En Marche, il promettait en 2017 une réduction de l’impôt sur les sociétés. « Au nom du renforcement de la compétitivité des entreprises, le gouvernement a massivement baissé les impôts des entreprises pour un montant de plus de 30 milliards d’euros sur la période 2018-2022 », indique le bilan fiscal de Solidaires. Alors que le taux d’impôt sur les sociétés était de 33,33 % de 1993 à 2017, il n’est plus que de 25 % en 2022. Le taux de cet impôt était encore de 50 % jusqu’en 1985. Résultat : « L’impôt sur les sociétés ne représente que 12,7 % des recettes fiscales nettes pour 2022 et pourtant les entreprises en France génèrent plus des deux tiers de la valeur ajoutée (69 %) ».

Ces baisses d’impôts pour les entreprises ont continué tout au long du quinquennat, jusqu’au plan de relance de l’économie lancé en septembre 2020, après la première vague du Covid. Ce plan comprenait « une nouvelle baisse des impôts des entreprises de 20 milliards d’euros, étalée sur deux ans (2021 et 2022), pour 600 000 entreprises ». Cette réforme s’est traduite par la diminution de 50 % de plusieurs impôts locaux payés par les entreprises : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, cotisation foncière des entreprises, taxe foncière sur les propriétés bâties des établissements industriels. Elle s’ajoute au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mis en place sous le mandat de François Hollande, et qui profite majoritairement aux grandes entreprises.

Réduction des prestations aux plus modestes

Au delà du bilan des réformes fiscales du quinquennat, Solidaires dresse aussi un état des lieux des mesures sociales : politique de privatisation des services publics, de réduction des services en guichet, tentative de suppression d’emplois de fonctionnaires. La politique économique et sociale menée par Emmanuel Macron « a consisté, sur le plan fiscal, à diminuer systématiquement l’imposition des plus fortunés et des plus grandes entreprises et à affaiblir la fonction redistributive de l’impôt pourtant à même de réduire, au moins en partie, les inégalités de revenus. Sur le plan social, elle a accentué le démantèlement des services publics, fragilisé le financement de la protection sociale et globalement réduit les prestations qui bénéficient aux plus modestes », conclut le syndicat.

Et voilà qu’à un mois du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron tente de relancer son projet de recul de l’âge de la retraite à 65 ans. « Dans un contexte de chômage de masse, reculer l’âge de départ à la retraite est une aberration économique qui ne fait que déplacer la question du financement de l’inactivité vers d’autres prestations sociales (chômage, invalidité, minimas sociaux) », juge à ce sujet Solidaires-Finances publiques. Déjà aujourd’hui, « une grande partie des travailleuses et des travailleurs ne sont plus dans l’emploi au moment du départ à la retraite soit parce qu’ils et elles n’ont toujours pas retrouvé d’emploi, soit parce qu’ils et elles sont dans l’incapacité d’occuper un emploi en raison d’un état de santé dégradé lié à l’usure professionnelle, à des accidents du travail notamment. » Même le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a jugé cette mesure, préconisée par le président-candidat, « injuste et brutale ».

Rachel Knaebel

Bilan social et fiscal du quinquennat. Solidaires Finances publiques.

Photo : Lors d’une manifestation des Gilets jaunes à Paris le 19 janvier 2019. ©Serge D’ignazio