Bataille juridique

Le gouvernement français s’engage à interdire le maïs OGM

Bataille juridique

par Sophie Chapelle

Pas un épi transgénique dans les champs. C’est la volonté affichée par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll qui soumet à la consultation des citoyens jusqu’au 9 mars prochain, un projet d’arrêté [1] visant à interdire la culture du Mon810, un maïs génétiquement modifié produit par Monsanto. Le Mon810, qui comporte un gène modifié le rendant résistant aux insectes, est actuellement le seul maïs OGM autorisé à la culture dans l’Union européenne. Ce maïs est de nouveau sur le marché national depuis que le Conseil d’État a invalidé, le 1er août 2013, l’interdiction française de ce maïs, estimant que la France « n’avait pas apporté la preuve de l’urgence et d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ».

Alors que les semis de maïs devraient commencer autour du 15 mars, Stéphane Le Foll affirme « la détermination du gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour interdire la mise en culture de semences OGM afin de prévenir les risques environnementaux et économiques pour les autres cultures et l’agriculture ». Le projet d’arrêté du ministère pointe un déficit dans l’évaluation sanitaire du Mon810 (lire notre enquête). Il mentionne également « un danger de propagation d’organismes nuisibles devenus résistants » et l’absence de renforcement des mesures de surveillance. Les procédures d’évaluation des risques liés aux OGM n’ont par ailleurs toujours pas été revues, conformément à la demande des États (voir ici).

Malgré l’échec de la loi, le gouvernement joue une autre carte juridique

Le Conseil d’État a par deux fois, en 2011 et en 2013, annulé les arrêtés pris contre le Mon810, qu’il juge contraires à la réglementation européenne. « Ce [nouvel] arrêté pourra, à nouveau, être attaqué devant le Conseil d’État » prévient Christophe Noisette de l’association Inf’Ogm. Il existe cependant une nuance avec la précédente interdiction française, prise en 2012. Ce projet d’arrêté, s’il utilise la mesure d’urgence, fait aussi référence à un autre texte, l’article 18 de la directive 2002/53 [2]. C’est selon ce fondement que la Pologne et la Grèce ont interdit la vente de semence de maïs Mon810 sur leur territoire. « Une nouveauté qui pourrait prendre plus de temps à être examinée par le Conseil d’État, si cette mesure venait à être attaquée », analyse Christophe Noisette.

Ce projet d’arrêté vient compenser l’échec d’une proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du Mon810. Cette loi, déposée le 4 février par le sénateur socialiste Alain Fauconnier, ne sera finalement pas débattue. Le Sénat a en effet voté le 17 février une motion d’irrecevabilité, défendue par deux sénateurs UMP. Ce type de motion permet de rejeter un texte de loi sans que ce dernier ne soit examiné, au motif qu’il serait contraire à des dispositions constitutionnelles, légales ou règlementaires. « L’incident parlementaire au Sénat n’entame pas notre volonté », a assuré Philippe Martin, ministre de l’Écologie, le 18 février. Qui s’engage à ce que l’arrêté ministériel interdisant la culture du Mon810 soit pris « dès mars », date des premiers semis de maïs. Affaire à suivre.

[Mise à jour le 15 mars 2014] L’arrêté interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié Mon810 vient d’être publié au Journal Officiel (voir ici).

[Mise à jour le 15 avril 2014] La loi d’interdiction de tous les maïs génétiquement modifiés a été adoptée à l’Assemblée nationale.

Notes

[1Les observations sur ce projet d’arrêté peuvent être adressées à l’adresse électronique suivante : consultation.ogm.dgal(a)agriculture.gouv.fr.

[2« S’il est constaté que la culture d’une variété inscrite dans le catalogue commun des variétés pourrait, dans un État membre, nuire sur le plan phytosanitaire à la culture d’autres variétés ou espèces, présenter un risque pour l’environnement ou pour la santé humaine, cet État membre peut, sur demande, être autorisé, selon la procédure visée à l’article 23, paragraphe 2, ou à l’article 23, paragraphe 3, s’il s’agit d’une variété génétiquement modifiée, à interdire la commercialisation des semences ou plants de cette variété dans tout ou partie de son territoire. En cas de danger imminent de propagation d’organismes nuisibles, de danger imminent pour la santé humaine ou pour l’environnement, cette interdiction peut être établie par l’État membre intéressé dès le dépôt de sa demande jusqu’au moment de la décision définitive qui doit être arrêtée dans les trois mois selon la procédure visée à l’article 23, paragraphe 2, ou à l’article 23, paragraphe 3, s’il s’agit d’une variété génétiquement modifiée. »