Maison autonome : pourquoi des cabanes flottantes sont menacées de destruction près de Paris

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Sur l’étang de la Galiotte, à Carrières-sous-Poissy, des anciennes cabanes de pêcheurs présentes depuis 50 ans risquent de disparaître à la demande du département des Yvelines. Reportage vidéo.

par Lisa Damiano

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« C’est toute notre vie ici. Chaque plante, chaque caillou, chaque racine qu’il y a ici, on les a faits de nos propres mains. La cabane aussi. Alors partir... », Pavel fait partie des 38 propriétaires de cabanes flottantes qui risquent de devoir quitter l’étang de la Galiotte, à Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines, d’ici la fin 2025. Avec sa famille, ça fait presque 20 ans qu’il se rend tous les week-end sur l’étang, dans une cabane achetée en 2008 et entièrement reconstruite par ses soins.

Avant cette cabane, il allait dans celles de ses amis, pour pêcher, se détendre et sortir de la ville. Il s’est même marié ici, au bord de l’étang. Pour ce chef de chantier dans le BTP, venir au bord de la Galiotte l’aide à « tenir la route ». « On vient ici, on fait notre potager. On récolte pleins de légumes. Ça fait plaisir de travailler la terre et de sortir. Il y a des oies, des cygnes. Là, on se connecte avec la nature. C’est un autre monde. » Pour Pavel, partir après tant d’années est inenvisageable.

Protéger le Parc du Peuple de l’Herbe

L’étang de la Galiotte est situé au cœur du parc départemental du Parc du Peuple de l’herbe et géré par le département des Yvelines. Selon Sophie Danlos, directrice de l’environnement au département, la présence des cabanes sur l’étang soulève plusieurs problèmes. « C’est un site sur lequel on a des enjeux écologique et une attente d’ouverture au public, explique-t-elle. Au fil des années, la présence des chalets a beaucoup dégradé les berges, avec des constructions de murets, de terrasses, bétonnées. Ces chalets, qui à la base étaient des cabanes, se sont privatisés, et comme on est sur un domaine public, c’est un problème de ne pas avoir accès à l’ensemble de la berge », défend la responsable. Le département indique avoir prévenu en 2022 les propriétaires de cabanes du non-renouvellement de leur convention d’occupation des berges au 31 décembre 2025.

Une cabane flottante sur l'étang
Les 38 cabanes doivent être démontées à la fin de l’année.
©Lisa Damiano

« C’est vraiment la maison du futur »

« Nous on est prêts à collaborer avec le département pour retrouver des berges saines et les re-végétaliser », indique Alain, propriétaire d’un chalet et membre de l’Association l’étang de la Galiotte. Depuis la terrasse en bois de sa cabane, il raconte comment, ces dernières années, l’association a interdit toute construction en béton sur les berges. Elle a aussi, préconisé le remplacement des bidons permettant aux cabanes de flotter par des flotteurs qui, selon Alain, ont une durée de vie de plus de 50 ans.

Ce qui fait la particularité de ces habitations, c’est la sobriété imposée par la situation de l’étang.
« On est complètement autonomes », dit Alain. Pour lui, « c’est vraiment la maison du futur ». Pour s’alimenter en électricité, il utilise des panneaux solaires, des bidons pour l’eau, et cuisine au gaz. Selon Alain, la diversité des cabanes et le soin qu’apportent les propriétaires à leurs habitations attirent les promeneurs qui visitent volontiers certaines d’entre elles. « Pavel fait de la culture tout le long de la berge et quand les gens qui se promènent vont visiter, ils sont émerveillés », raconte Alain qui se défend d’empêcher les promeneurs d’accéder aux berges.

« Retrouver un petit peu de nature »

Un peu plus loin sur l’étang se trouve la cabane de Fred. Chez elle, pas de panneau solaire. Depuis 2017, elle y vient de Paris dès qu’elle peut avec sa famille, et y vit de manière autonome. « Nos enfants se sont rendu compte qu’il existait des endroits où il n’y a pas d’eau au bout du robinet », plaisante-t-elle. L’étang de la Galiotte, Fred et son mari l’ont découvert lorsqu’une cabane a été mis en vente à côté de celle d’un couple d’amis. « On est venu un jour chez eux puis on est tombé sous le charme de ce truc un peu fou à 45 minutes de chez nous, raconte-t-elle. On vit en ville, dans un milieu minéral, et on a ici la possibilité de retrouver un petit peu de nature, sur un projet qui est collectif et intéressant, car il permet de se poser des questions sur notre position dans un espace naturel. »

Une femme ouvre un portail dans un décor naturel.
Depuis 2017, Fred vient le weekend avec sa famille dans leur cabane sur l’étang de la Galiotte. Ils y vivent sans eau et sans électricité.
©Lisa Damiano

Fred, Alain et Pavel partagent tous un attachement à l’espace naturel de l’étang de la Galiotte. Alors, les arguments du département pour justifier la fin de leur occupation des berges sont difficiles à entendre. « Quand on a reçu le premier courrier, pendant dix jours, dès que j’y pensais j’avais l’estomac qui se nouait, rapporte Fred. On a mis dix jours à en parler à nos enfants. C’était un crève-cœur. » Ce que ne comprennent pas les propriétaires de cabanes, c’est qu’il ne puisse pas y avoir de solution pour protéger les berges et l’espace naturel tout en conservant les habitations.

Interrogée sur ce point, Sophie Danlos, du département des Yvelines dit que « le projet du département est de reprofiler les berges, recréer de la végétation et des espaces de promenade pour les riverains. De ce fait, on a vraiment besoin de mettre fin à cette convention d’occupation et de retirer tous ces aménagements. »

En attendant un possible changement de position du département, les occupants de l’étang de la Galiotte tentent de mobiliser les riverains et les promeneurs afin de conserver leurs cabanes. Ils ont lancé une pétition pour sauvegarder « cet ensemble architectural unique en Île-de-France ».