Avant les législatives

« Saison 2, épisode 1 » : au défilé du 1er mai, des craintes, un air de déjà vu et de l’espoir

Avant les législatives

par Pierre Jequier-Zalc

À Paris, entre 17 000 et 25 000 personnes ont défilé ce dimanche 1er mai. Entre crainte du quinquennat à venir et aspiration à un « troisième tour » dans les urnes en juin, les sentiments étaient mêlés chez les manifestants. Reportage.

« Saison 2, épisode 1 ». Sur le mur de l’immeuble parisien, ce graffiti à la bombe noire pourrait résumer ce 1er mai 2022. Première mobilisation depuis la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, cette fête des travailleurs et des travailleuses devait donner le ton du mouvement social pour le quinquennat à venir.

« Juste après la présidentielle, c’est la première fois qu’on pouvait retrouver la rue et des gens aux mêmes sensibilités que nous, ça me semblait important de venir », explique Jules, la trentaine, dessinateur et habitué des manifestations. Mais chez la plupart des manifestants, on s’attendait à une plus grosse mobilisation. « C’est quand même sacrément clairsemé, regrette Arielle, une étudiante parisienne. Je pensais que le climat actuel amènerait les gens dans la rue ». Il y avait dans la capitale 17 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur, 25 000 selon les syndicats. Les chiffres sont du même acabit qu’il y a un an. Et un peu moins important que lors des 1er mai d’avant la crise sanitaire.

une banque vandalisée
« Journée banque ouverte »
Dans une banque vandalisée.
©Pierre Jequier-Zalc

Ce premier épisode social du second quinquennat n’aurait pu être qu’un copié-collé des 1er mai des cinq dernières années. Une odeur de merguez à l’arrière du cortège, le nez qui pique et les yeux qui pleurent à l’avant. Des slogans qui, faute de nouvelles personnalités politiques, commencent à devenir des classiques. Et les mêmes regards, tantôt amusés, tantôt atterrés, devant les devantures des banques et assurances éventrées.

« Ma crainte, c’est que Macron fasse pire que durant le premier quinquennat »

Pourtant, du côté des manifestants règne une atmosphère entre inquiétude profonde et espoir non-dissimulé. « Ma crainte, c’est que Macron fasse pire que durant le premier quinquennat et qu’il détruise irrémédiablement des acquis sociaux importants », souffle Stéphane, qui tient un lieu associatif à Montreuil. « Déjà, s’il poursuit sur sa lancée, on est mal barré », ironise Inès, employée dans une administration publique.

Cortège pour la régularisation des travailleurs sans-papiers
Cortège pour la régularisation des travailleurs sans-papiers
©Pierre Jequier-Zalc

Deux enjeux principaux mobilisent les discussions : la réforme des retraites et la crise climatique. À l’arrière de la manifestation, un cortège des luttes écologistes s’est rassemblé sous la pancarte « Justice climatique et sociale même combat ». « Je pense qu’on est en train d’atteindre une limite. Je suis très inquiète pour l’état du climat, comme pour l’état des droits sociaux dans notre pays », dit Isabelle, retraitée et militante à Greenpeace.

Vidéo : ©Samir Tazaïrt
Sur nombre de pancartes on peut lire l’échéance du dernier rapport de Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) : « Il nous reste trois ans. » « C’est le capitalisme qu’il faut abattre. C’est lui le responsable du réchauffement climatique, comme de la dégradation de nos services publics, que ce soit la santé ou l’éducation », résume Roland, ouvrier chez PSA et syndiqué à la CGT depuis plus de 30 ans.

Un militant de l'Union Populaire, au sein du cortège parisien.
Union populaire
©Pierre Jequier-Zalc

Tous soulignent l’importance des mobilisations sociales et collectives pour le quinquennat à venir. Mais un autre motif d’espoir est dans toutes les bouches : le « troisième tour », c’est-à-dire les élections législatives de juin et une potentielle union de la gauche sous une bannière unique, pour essayer de briguer une éventuelle majorité à l’Assemblée nationale.

« J’espère vraiment qu’ils vont s’unir, insiste Estelle, 25 ans, qui travaille dans l’Éducation nationale. À un moment, il faut se bouger, on ne peut pas rester mutique et immobile face à un président qui se prend pour Jupiter. La perspective d’une large union est un grand espoir. »

Un accord entre LFI et EELV

C’est d’ailleurs dans la partie politicienne de la manifestation, après les différentes délégations syndicales, que ce 1er mai est sans doute le plus sorti de l’ordinaire. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a décidé de quitter son cortège pour aller serrer la main de Jean-Luc Mélenchon sous le feu de nombreuses caméras et du slogan entonné à tue-tête par des militants Insoumis aux anges : « Union, union, union Populaire ! ». Après cette poigne symbolique et politique, le char de La France insoumise (LFI) repart tranquillement, portant sur lui les élus du parti dansant sur le morceau de rap « Bande organisée ».

pancarte urgence climatique
« On a trois ans »
Les pancartes faisant référence au dernier rapport du Giec étaient nombreuses.
©Nathalie Quiroga

Le soir même, LFI et Europe écologie les Verts (EELV) annoncent un accord historique pour les élections législatives. En attendant que d’autres partis de gauche (PCF, NPA, PS) rejoignent peut-être cette « Nouvelle union populaire écologique et sociale » tout juste créée.

Inès, comme beaucoup à la manifestation « place beaucoup d’attentes dans ces législatives. C’est le dernier moyen d’éviter la continuité du premier mandat d’Emmanuel Macron. J’espère que cette fois, les partis seront à la hauteur. » Pour que, comme dans une bonne série, la seconde saison soit différente de la première.

Pierre Jequier-Zalc

Portfolio

Une pancarte écologiste
©Pierre Jequier-Zalc

Cette affiche est tirée de la campagne appelée « Le grand soulagement ».
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Dans le cortège de tête
©Pierre Jequier-Zalc
« Journée banque ouverte »
Dans une banque vandalisée.
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Dans le cortège
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Cortège pour la régularisation des travailleurs sans-papiers
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Union populaire
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Sur le mur d’une banque
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Siamo tutti antifascisti
Après une élection présidentielle où l’extrême-droite est arrivée aux portes du pouvoir, le slogan « Siamo tutti antifascisti » était un des plus scandés au sein du cortège.
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« On a trois ans »
Les pancartes faisant référence au dernier rapport du Giec étaient nombreuses.
©Nathalie Quiroga
Dans le cortège de tête
Quelques incidents ont eu lieu en marge de la manifestation.
©Pierre Jequier-Zalc
Olivier Faure
Le Premier secrétaire du Parti socialiste, juste avant d’aller serrer la main de Jean-Luc Mélenchon.
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Jean-Luc Mélenchon
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« L’hôpital malade des profits »
©Nathalie Quiroga
Le char des élus de La France insoumise
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Gaz lacrymogènes
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Cortège des travailleurs sans-papiers
Un large cortège de travailleurs sans-papier demandant leur régularisation était présent dans le cortège parisien.
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Luttes écologistes
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« Salade, tomate, Union »
De nombreux manifestants souhaitent voir une union des partis politiques de gauche pour les élections législatives.
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Des Gilets Jaunes dans le cortège
©Nathalie Quiroga
À la place de la République
©Nathalie Quiroga
Un abribus
« C’est pas la manif qui déborde, c’est le débordement qui manifeste ».
©Nathalie Quiroga
Sur une banque
« Créer une banque ou l’attaquer ? Elire Macron ou aller le chercher ? C’est le 1er Mai, ils sont où Benalla et Macron ? »
©Pierre Jequier-Zalc
Brins de muguet
©Nathalie Quiroga
« Se lever pour 1200 euros »
©Pierre Jequier-Zalc