Stigmatisation

Marseille : « Les pouvoirs publics balancent entre laissez-faire et coup de force »

Stigmatisation

par Sophie Camard

Sophie Camard, marseillaise et élue écologiste au Conseil régional de Provence–Alpes–Côte d’Azur, revient sur les tensions qui opposent Roms et riverains des campements dans la cité phocéenne. Et rappelle que des solutions concrètes existent, ainsi que des financements pour les mettre en œuvre.

La ville de Marseille a de nouveau fait l’actualité sur un fait divers édifiant : une milice privée d’habitants d’un quartier populaire a chassé une quarantaine de Roms et mis le feu aux installations du campement. Pendant la campagne électorale, la tension était déjà forte : une candidate UMP avait organisé un déplacement avec un collectif de riverains, pour menacer des Roms dans le quartier de Château Gombert. Un militant d’une association avait été violemment pris à partie.

Depuis deux ans, les Roms font partie du quotidien des marseillais, installés par petits groupes dans des friches urbaines, pratiquant la mendicité aux feux rouges. Presque chaque jour, je circule sur une voie rapide où est installé l’un de ces camps, coincés sur un petit espace juste derrière la barrière de sécurité, au niveau des pots d’échappement. Outre la situation sanitaire, je me demande toujours quand surviendra l’accident avec un enfant qui traversera la route au mauvais moment.

Dans cette situation, les pouvoirs publics balancent entre le laissez-faire et le coup de force ponctuel. Ce qui revient, dans les deux cas, à avouer son impuissance. A Marseille, des associations existent qui permettent de maintenir le dialogue et le contact avec ces familles : Médecins du Monde, Rencontres tsiganes, la fondation Abbé Pierre, la Ligue des Droits de l’Homme. Avec ces associations, la Région PACA (Provence – Alpes – Côte d’Azur) a pu aider à la création d’une unité d’hébergement expérimental avec un suivi social, sur un terrain privé dans le quartier de la Belle de mai, au centre de Marseille. Nous l’avions inauguré l’année dernière. Cette initiative permet de suivre une petite dizaine de familles. Elle a l’énorme mérite de montrer que des réponses concrètes sont possibles, sans provoquer de séismes avec le voisinage.

Nous savons aussi que les financements européens existants pour les Roms ne sont pas mobilisés. Sur les 4,5 milliards d’euros du Fonds social européen, seulement un milliard a été mobilisé pour les Roms dans toute la France ces dernières années. De l’argent existe donc pour financer des solutions. La circulaire du 30 août 2012 a aussi abrogé les discriminations dans l’accès des Roms au travail. Pour enclencher ces solutions, encore faut-il que les familles soient mises à l’abri, identifiées, suivies. Pour cela, il faut passer du tout sécuritaire à une véritable gestion de crise humanitaire, comme nous savons le faire dans bien d’autres domaines et en bien d’autres lieux.

Dans leur dénuement, les Roms ont cependant une force paradoxale : leur extrême misère est tellement insupportable et crée tellement de trouble qu’il est impossible de ne rien faire trop longtemps. Des actions en justices, en cours, vont peut-être obliger l’État à prendre ses responsabilités. Espérons que la mobilisation des énergies locales, celle des associations et des élus prêts à affronter la foudre populaire, contribuera à retrouver la voie de la raison.

Sophie Camard [1]

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Notes

[1Elue régionale Europe écologie – Les verts (EELV).