Jamais la France n’a connu une telle concentration des médias privés aux mains de quelques-uns. Et cela commence à avoir des effets délétères sur la qualité de l’information, du débat public et donc, la démocratie. Une partie de ces industriels milliardaires, propriétaires de télévisions, de radios, de journaux, veillent à ce que leurs affaires lucratives ne soient pas trop perturbées par des investigations journalistiques.
Et quand les amicales pressions ou l’autocensure des rédactions ne suffisent plus, on passe aux mesures de rétorsion. Économique d’abord, comme celle qui a frappé Le Monde après une enquête sur le port d’Abidjan, alors propriété du groupe Bolloré. Le quotidien a été boudé par le groupe Havas (propriété du groupe Bolloré), qui achète des emplacements publicitaires dans la presse pour le compte de grandes marques, et a perdu plusieurs millions d’euros en recettes publicitaires. Juridique ensuite, à coups de procès en diffamation – et là encore Bolloré en est friand, en particulier dès qu’il s’agit de ses affaires en Afrique. Basta!, France 2 ou Mediapart en ont été notamment les cibles. Le documentaire Media Crash revient sur plusieurs de ces pressions et poursuites bâillons, qui ne concernent pas uniquement le groupe Bolloré.
TPMP a consacré 53 % de son temps d’antenne politique à des candidats d’extrême droite, en premier lieu Éric Zemmour
Un cap est désormais franchi : les médias achetés par le groupe Bolloré (CNews, C8, Europe 1...) servent carrément de tremplin à une idéologie et à un candidat d’extrême droite. La pluralité, même de façade, a disparu. En cachant ce qui est essentiel, en grossissant ce qui est accessoire, en mélangeant informations et opinions, experts en tout et en rien, divertissement et propagande politique, ces médias façonnent, orientent, hystérisent pour certains, le débat. Dans le documentaire, la chercheuse Claire Sécail (CNRS) montre ainsi que, derrière l’humeur badine de Cyril Hanouna et de son émission TPMP (« Touche pas à mon poste »), se cachent de véritables choix politiques : de septembre à décembre 2021, l’émission a consacré pas moins de 53 % de son temps d’antenne politique à des candidats d’extrême droite, en premier lieu Éric Zemmour.
Les grands perdants sont les citoyens et le débat public. C’est tout cela que met en lumière, ou que rappelle le documentaire réalisé par Mediapart et Premières Lignes.
Il sera en salle le 16 février prochain. De nombreuses discussions avec le public sont prévues à l’issue des représentations. Des représentants d’associations, ONG, chercheuses et chercheurs, médias indépendants seront également présents.
Quelques dates de projections-débats :
16/02 - 20 h 15 - Paris - Espace Saint Michel. En présence de Valentine Oberti, Luc Hermann et Daniel Schneidermann (Arrêt sur Images)
17/02 - 20 h - Brest - Cinéma les Studios. En présence de Laurent Mauduit
21/02 - 20 h 15 - Paris - Espace Saint Michel. En présence de Agnès Rousseaux (Basta! et Politis) et Ilyes Ramdani
23/02 - 20 h 30 - Villeneuve d’Ascq - Méliès. En présence de Michaël Hajdenberg et Clémence de Blasi, rédactrice en cheffe de Médiacités Lille
28/02 - 20 h 30 - Abbeville - Cinéma le Rex. En présence de Sarah Brethes.
03/03 - 20 h - Toulouse - Utopia Borderouge - En présence de Valentine Oberti
17/03 - 20 h - Rouen - Omnia. En présence de Lénaïg Bredoux et l’équipe du Poulpe Média
19/03 - 20 h - Marseille - Le Gyptis. En présence de Mathieu Magnaudeix et l’équipe du Ravi.
Les dates ici.
Media crash, une coproduction Mediapart et Premières Ligne, un film coréalisé par Luc Hermann et Valentine Oberti. Au cinéma le 16 février.