Santé publique

Une pollution radioactive exhumée aux portes de Paris

Santé publique

par Nolwenn Weiler

Le groupe Saint-Gobain aura-t-il raison de la détermination des riverains du fort de Vaujours ? Situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Paris, aux confins de la Seine-Saint-Denis, à la frontière de la Seine-et-Marne et du Val-d’Oise, le site a été utilisé pendant 42 ans comme terrain d’expérimentation et de mise au point de détonateurs atomiques par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Racheté en 2010 par la société BPB Placo, propriété de Saint-Gobain, l’endroit pourrait bientôt se transformer en carrière de gypse, un matériau indispensable à la fabrication des plaques de plâtre. Problème : l’ancien fort est truffé de radioactivité. Dans sa large enceinte, les taux seraient même 33 fois supérieurs à la norme [1] ! On trouve aussi sur place des métaux lourds et autres polluants – notamment arsenic, mercure, amiante, cuivre, plomb, tungstène, zirconium – ainsi que divers composés chimiques tels que la dioxine, les PCB ou encore le perchlorate d’ammonium.

Les riverains aimeraient en savoir plus sur ce sympathique cocktail avant de le voir dispersé dans l’air, par les travaux d’excavation qu’impliquerait la mise en place d’une carrière. Dans une pétition, déjà signée par 60 000 personnes, ils demandent la mise en place, dans les plus brefs délais, d’une commission d’enquête parlementaire sur les conséquences des expérimentations nucléaires réalisées sur le site, ainsi que sur les risques liés aux projets portés par Placoplâtre et la communauté d’agglomération de Marne et Chantereine. La communauté de communes prévoit en effet de construire une zone d’activité commerciale sur une partie du site. Interviewés par France 3, des responsables de l’entreprise BPB Placo promettent l’installation d’instruments de mesures des pollutions et des protocoles de sécurité.

Radioactivité et cancers

Mais la tâche pourrait s’avérer titanesque, tant l’étendue de la pollution est méconnue. Ainsi, selon la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) [2], des puisards dans lesquels des eaux potentiellement contaminées étaient déversées jusqu’en 1997 « pourraient être contaminés en profondeur ». Si le projet de carrière devait aboutir, il faudrait « réaliser des contrôles radiologiques spécifiques lors du décaissage des puisards et des zones d’écoulement des effluents ». Terres et gravats devraient être évacuées vers un site adapté et ne pas être recyclées, en particulier pour des usages agricoles. La radioactivité dans l’air ambiant devrait être mesurée avec soin, notamment pour l’uranium, de façon à vérifier l’impact des travaux autour du chantier. Les moyens nécessaires à ces précautions élémentaires ont-ils été prévus ?

Avant que d’éventuels travaux ne commencent, les riverains souhaitent par ailleurs que la lumière soit faite sur les taux anormaux de décès par tumeurs sur la commune de Courtry, située à proximité du fort. Les salariés qui ont travaillé sur le site autrefois géré par le CEA pourraient avoir, eux aussi, du souci à se faire. L’un d’eux témoigne dans Le Parisien du lien entre le cancer de la thyroïde qui l’a touché et son exposition aux matières radioactives au fort de Vaujours. Il a fait une demande de reconnaissance en maladie professionnelle, qui n’a pas encore abouti.

 Voir la pétition.
 Sur le site Reporterre, Levée de boucliers contre un fort radioactif aux portes de Paris.

Notes

[1Selon des mesures effectuées par la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) en 2011.

[2Dans un document que l’on peut consulter ici.