Grands projets inutiles

Le Tribunal permanent des peuples ouvre une enquête sur Notre-Dame-des-Landes

Grands projets inutiles

par Nolwenn Weiler

« Chauffe la lutte, pas le climat ! » C’est le mot d’ordre du rassemblement estival organisé à Notre-dame-des-Landes ces samedi 11 et dimanche 12 juillet par la coordination des opposants au projet d’aéroport [1]. 15 000 personnes se sont pressées sur le site, pour des débats, forums et tables rondes. Après les opposants à un projet de méga-scierie dans le Morvan en 2013, puis les opposants au projet de la ferme des 1000 vaches en 2014, c’est le collectif de lutte « Pour les Chambaran sans center parc » (PCSCP) qui était à l’honneur cette année. Démarré en 2007, le projet du groupe Pierre et Vacances en Isère, entre Grenoble et Lyon, prévoit la construction d’un village vacances, en plein coeur d’une zone humide, avec la création d’une bulle tropicale chauffée à 29°C toute l’année. Le tout grâce à d’abondantes subventions publiques (voir notre article ici).

L’autre invité d’honneur était Gianni Tognoni, secrétaire général du Tribunal permanent des peuples (TPP), devant lequel une plainte a été déposée en décembre 2014 par la coordination des opposants à l’aéroport de NDDL. Le TPP est un tribunal d’opinion qui s’inspire du tribunal Russel, fondé en 1966 par Jean-Paul Sartre et Bertrand Russel pour juger les crimes de guerre des États-Unis au Vietnam. Le TPP n’émet aucune sentence contraignante. « Cependant une condamnation morale de sa part des responsables et porteurs des GPII [grand projet inutile et imposé, ndlr] affirmerait (...) toutes les atteintes aux droits des peuples qu’ils génèrent », pense la coordination des opposants à l’aéroport de NDDL.

Initiée par des membres du mouvements No-Tav (collectif de lutte contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin), cette idée de plainte devant le TPP a été reprise par plusieurs groupes européens en lutte contre des grands projets critiqués. Ils s’appuient sur la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones qui oblige les États à consulter les peuples et à « obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires – ressources minérales, hydriques ou autres ». « Chacun des collectifs a monté un dossier pour déposer plainte, explique Geneviève Coiffard-Grosdoy, du collectif de NDDL. Elles ont été longuement instruites et jugées recevables. »

La venue de Gianni Tognoni au rassemblement estival de NDDL est l’une des étapes de l’investigation menée par le TPP suite au dépôt de plainte. Pour son enquête sur le terrain, Gianni Tognoni a visité l’aéroport de Nantes Atlantique, a survolé la zone du projet, s’est entretenu avec les naturalistes en lutte et les zadistes, a rencontré divers membres de la coordination des opposants, s’est réuni avec les élus et les agriculteurs [2]. L’enquête doit se poursuivre dans les mois qui viennent, par l’étude de divers dossiers et des investigations sur le terrain dans divers endroits d’Europe, pour aboutir en décembre 2015 à une session spéciale du tribunal des peuples sur les grands projets imposés à Turin.

Notes

[1La coordination des opposants à l’aéroport de NDDL rassemble 56 groupes : associations, syndicats, mouvements politiques et collectifs.

[2Rencontre avec Sème ta zad, avec le collectif Copain, avec l’association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (Adeca), visites de fermes et échanges avec les agriculteurs.