Le 17 novembre, l’Assemblée nationale doit étudier la proposition de loi dite de « Sécurité globale » (#PPLSecuriteGlobale). Ce texte, montagne de mesures liberticides, précise notamment dans son article 24 vouloir réprimer de 45 000 euros d’amende et un an de prison le fait « de diffuser, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
Face à cette loi considérée comme « une atteinte inédite au droit d’informer », « une loi liberticide comme jamais » et permettant la « mise au pas du contrôle citoyen des pratiques policières », des dizaines de milliers de personnes ont d’ores et déjà signé une pétition. « Aujourd’hui et comme depuis trop longtemps, nos seuls moyens de médiatisation de ces affaires sont les réseaux sociaux. Nous ne voulons pas harceler les policiers, nous voulons diffuser certaines de leurs violences. Nous devons informer, car sans information, c’est l’impunité qui est une fois de plus renforcée. (...) Ne les laissons pas faire barrière à nos libertés fondamentales » écrivent les signataires.
Ces images, « ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence, n’étouffons pas encore la vérité »
Le journaliste David Dufresne, auteur du recensement Allô Place Beauvau, a recueilli plusieurs témoignages dont celui de Sofia, fille de Cédric Chouviat, décédé à 42 ans lors de son arrestation à Paris par la police le 3 janvier 2020, témoigne. « Avec l’aide de vidéos, nous avons pu contredire les mensonges de policiers », souligne t-elle. « Sur ces images, mon père est victime de violences policières. Le droit de diffusion nous a permis de révéler au grand jour la vérité. C’est pour cela que ces images, ces appels à témoins, ces vidéos sont notre seul moyen de défense. Ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence et n’étouffons pas encore la vérité. »
La militante Geneviève Legay, également victime de violences policières le 23 mars 2019 à Nice, témoigne : « Si des avocats, des journalistes, ma famille ou moi-même, diffusons ces vidéos, nous pourrions être jugés devant un tribunal correctionnel et risquer cinq ans d’emprisonnement. Protégeons nos libertés ainsi que celle de la presse. » Une vision partagée par Mathieu Molard, rédacteur en chef du média indépendant StreetPress. « Avec ce texte, plus de live manifs, plus ou pas de vidéos amateurs sur le web. Ces vidéos sont la base de très nombreuses investigations. Sans elles, pas d’enquêtes sur les gilets jaunes mutilés, pas d’affaire Benalla. Nous se saurions sans doute rien de la mort de Cédric Chouviat. »
– Toutes les vidéos Non à la #PPLSecuriteGlobale sont à retrouver ici
Même la Défenseure des Droits, Claire Hédon, se dit particulièrement préoccupée par les restrictions envisagées concernant la diffusion d’images des agents des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction. Dans un avis publié le 5 novembre, elle demande à ce que ne soient, à l’occasion de ce texte, entravés ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information. Elle considère que l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique, comme à l’exercice de ses propres missions de contrôle du comportement des forces de sécurité. Pour contourner les dispositions prévues par cette proposition de loi si elles venaient à être votées, un collectif belge propose leur diffusion avec les hashtag #CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger.
#CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger #PPLSecuriteGlobale
Les Français n'auront bientôt plus le droit de diffuser d'images de leur police sans flouter les visages. Mais nous on s'en fout, on est belges. Envoyez ici vos documents, nous les diffuserons. Please RT
— Filmez la police, nous diffuserons. (@LeurVraiVisage) November 2, 2020
Photo de une : Manifestation du personnel soignant et pompiers le 15 octobre 2019. © Yann Levy