12 mai

Défense de la liberté d’expression et du pluralisme : mobilisation à Radio France

12 mai

par Rédaction

L’inquiétude gagne les producteurs et journalistes à France Inter, après la suspension de l’humoriste Guillaume Meurice et la suppression à la rentrée de plusieurs chroniques et reportages consacrés aux luttes de terrain. Un appel à la grève est lancé ce 12 mai.

« Ce qui nous inquiète par-dessus tout, c’est cette fâcheuse tendance à subir, et désormais à anticiper les pressions politiques de tous bords, venant de la fachosphère, mais pas seulement. (...) Nous ne voudrions pas voir Radio France glisser vers l’auto-censure, voire l’’’auto-sanction’’. » Dans un communiqué du 5 mai, la CGT de Radio France s’inquiète de la décision de la direction de convoquer l’humoriste Guillaume Meurice à un entretien disciplinaire le 16 mai pour faute grave, en le suspendant de l’antenne.

La direction de Radio France reproche au chroniqueur d’avoir à nouveau qualifié Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, de « sorte de nazi sans prépuce », le 28 avril dans l’émission « Le Grand dimanche soir ». Alors que les plaintes qui avaient été déposées contre Guillaume Meurice venaient d’être classées sans suite par la justice, il avait ironisé sur ce qu’il appelait « la première blague autorisée par la loi française ». Une pétition en soutien à l’humoriste a déjà recueilli plus de 100 000 signatures. L’humoriste Djamil Le Shlag a également démissionné en direct de l’émission le 5 mai.

« La convocation de Guillaume nous a d’autant plus fait l’effet d’un coup de massue que les modifications de la grille pour [2025], qui nous arrivaient au fil de l’eau depuis quelques jours, nous inquiétaient déjà beaucoup », raconte une productrice au journal Le Monde. Charlotte Perry et ses portraits de héros du quotidien dans « Des vies françaises », ou encore Antoine Chao et son instantané sonore de 18 minutes à la découverte des luttes environnementales et sociales, baptisé « C’est bientôt demain », vont disparaitre de l’antenne en septembre.

« Une atteinte grave au pluralisme »

« La Terre au carré », l’émission écolo de France Inter, est par ailleurs jugée trop « écoanxieuse » par la direction et devrait être « remodelée ». Une partie de ses chroniqueurs et journalistes ont d’ores et déjà appris que leurs micros seraient coupés pour la saison prochaine. C’est le cas d’Anaëlle Verzaux qui réalise les chroniques « Le Jour où » et de Giv Anquetil qui réalise des grands formats chaque mois. « Autant de rendez-vous qui donnent, sur le terrain, la parole à des personnes qu’on n’entend plus ailleurs ; et qui ont en commun une école d’écriture radiophonique riche de sons » s’alarment la Société des producteurices de France Inter (SDPI) et la Société des journalistes (SDJ) de France Inter dans un communiqué commun. « Nous refusons ce qui nous apparaît une atteinte grave au pluralisme de l’antenne de France Inter. »

Tous les quatre - Charlotte Perry, Antoine Chao, Anaëlle Verzaux et Giv Anquetil - ont d’abord travaillé dans l’emblématique émission des luttes sociales « Là-bas si j’y suis », présentée durant 25 ans par Daniel Mermet, et supprimée de France Inter en 2014. La direction de la radio la plus écoutée de France admet auprès du journal Le Monde une « concomitance » et « un effet de sens », mais aucune volonté de solder un quelconque héritage.

Plusieurs syndicats de Radio France ont annoncé déposer un préavis de grève « pour la défense de la liberté d’expression » pour l’ensemble de la journée du dimanche 12 mai. Ils dénoncent « la politique de casse sociale sur les antennes en bouleversant les grilles et en sacrifiant des émissions emblématiques ». « En particulier sur France Inter, dont la marque de fabrique est l’insolence et la liberté de ton depuis la fin de l’ORTF, des menaces pèsent sur des émissions populaires et singulières, que seul le service public peut produire », poursuit le document, signé par la CFDT, la CGT, Force Ouvrière, la SNJ, Sud et l’Unsa.

Les revendications de l’intersyndicale portent notamment sur « la fin de la répression de l’insolence et de l’humour », « la préservation de l’identité et de la singularité de ses chaînes », ou encore « la réaffirmation sans limite de la liberté d’expression » sur les antennes du groupe.

photo de une : Maison de la Radio à Paris, en septembre 2004. CC Wikipedia