Mathieu Paris, journaliste en formation à l’Observatoire des multinationales revient sur son expérience de six mois à décrypter les pratiques des grandes entreprises du CAC 40. A l’occasion de la sortie duvrai bilan annuel des entreprises du CAC 40, Basta! vous livre son témoignage :
« Quelles sont les plus hautes rémunération des dirigeants ? Quels sont les montants des dividendes versés ? Qui sont les actionnaires ? Quelles sont les affaires judiciaires auxquelles ces entreprises ont été confrontées ? J’ai épluché pendant plusieurs mois une quarantaine de documents de références des multinationales françaises pour préparer notre contre-rapport. Mon rôle : trouver les infos importantes cachées au milieu de ces 200 à 400 pages de bilan annuel et débusquer les entreprises qui manient le plus la langue de bois !
A force de lire les documents de référence des principales multinationales françaises, j’ai fini par rêver de leurs couvertures ! De petites montagnes avec des chèvres qui paissent et des éoliennes en arrière-plan, des femmes avec des casques de chantiers… Cela me fait parfois de la peine d’attaquer ces entreprises tellement les images qu’elles se donnent sont belles !
Nous avons fréquemment trouvé des manipulations des objectifs de développement durable. Quand la Société générale affirme que le nucléaire est une énergie renouvelable, c’est une perle ! Nous pouvons aussi découvrir la liste des paradis fiscaux qui accueillent les filiales de chaque banque française : les Bahamas, les Îles Caïman, l’Île Maurice, etc.
Toutes ces informations existent mais ne sont pas regroupées. Certains groupes communiquent par exemple beaucoup sur la présence de femmes dans leur conseil d’administration. Mais quand nous regardons le nombre de femmes-cadres, cette proportion tombe à moins de 10 % ! Nous tentons de donner du sens à ces données, par exemple en les mettant en perspective dans le temps. Un exemple : une entreprise affirme qu’il y a eu une légère baisse d’effectifs au cours des deux dernières années ? Nous vérifions alors l’évolution des effectifs sur les 10 dernières années : la diminution est vertigineuse !
Notre travail est d’aller chercher ces données, une par une. Il faut tout lire, tout décortiquer… Cela ne peut pas être un travail informatique automatisé où la requête « femmes » permettrait d’accéder au taux de féminisation des emplois de cadre dans l’entreprise : il y aurait trop de risques de passer à côté du contexte qui explique cette donnée. C’est donc long et fastidieux, mais intellectuellement très stimulant, car ces données créent un contre-discours à celui des entreprises. Sans ces chiffres, nous serions obligés de croire ce qu’elles disent, elles qui dépensent des millions d’euros chaque année pour défendre leur image. »
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