Big Brother

Paris, ville vidéo-surveillée

Big Brother

par Françoise Galland

1226 caméras de vidéo-surveillance vont être installées dans les rues de Paris, avec l’aval de Bertrand Delanoë. La préfecture de police préfère l’appellation « plan de vidéo protection » là où chacun emploie l’expression « plan de vidéo surveillance ». Une façon de rassurer et de se prémunir contre les critiques. La préfecture a changé de mots, elle a aussi un discours bien rôdé. Pourtant, les associations de défense des droits de l’hommes soutenues par des élus et des simples citoyens, soucieux des libertés, ne se laissent pas séduire. Elles craignent que le dispositif ne serve à réprimer luttes et solidarités.

Les rues de Paris seront bientôt dotées de 1226 caméras. Un plan voulu par la liste municipale menée par Bertrand Delanoë lors de la campagne de 2008 et mis en musique par la Préfecture de police (PP). Et pour faire œuvre de pédagogie, une équipe de la PP fait le tour des mairies d’arrondissement pour présenter le projet, avec plus ou moins de succès. 
Les arguments techniques sont simples : aujourd’hui, les 120 caméras existantes ne permettent pas de gérer les flux de véhicules, ni les manifestations et rassemblements, elles sont inefficaces pour faire face à la délinquance, encore moins au terrorisme. De plus, ces caméras n’enregistrent pas les scènes. La préfecture a décidé de se moderniser en mettant en place des caméras à chaque coin de rue ou presque : un matériel moderne, avec une bonne qualité d’images enregistrées. Le dispositif ne vise pas à empêcher un vol ou un meurtre, mais il a un rôle de prévention, il permet aussi une meilleure élucidation du délit (par exemple lorsqu’une caméra filme la fuite des coupables), explique-t-on. Il ouvre des possibilités de présenter des preuves, à charge et à décharge, lors de contestations ou de procès.

Toute une structure de visionnage est prévue, avec des procédures censées mettre le quidam à l’abri d’utilisation non autorisés, portant atteintes à sa vie privée. Et tout l’arsenal juridique est cité pour tenter de conforter le Parisien inquiet. L’implantation des caméras est publiée sur le site internet de la Préfecture et donne la répartition par arrondissement. Avec 93 caméras, le 18e monte en haut du podium, suivi du 16e qui en comptera 83 (pou surveiller les délinquants fiscaux ?) comme le 12e.

Arrondissement
Nombre de caméras
1er
46
2e
25
3e
31
4e
52
5e
48
6e
35
7e
68
8e
74
9e
50
10e
61
11e
49
12e
83
13e
80
14e
62
15e
79
16e
83
17e
68
18e
93
19e
79
20e
60
Total
1226

Mais est-ce bien pour être surveillé par des caméras que les Parisiens ont élu Bertrand Delanoë ? À écouter le concert de protestation, il semble que non.

Certains contestent l’efficacité même du système de vidéo surveillance en donnant en exemple la ville de Londres, truffée de caméras, qui n’a pas vu baisser la délinquance, ni le taux de criminalité, et n’a pu évité les attentats. D’autres s’inquiètent fortement pour les libertés : comment, en effet, être certains que les enregistrements ne se retrouveront pas en ligne, exposés à la vue de tous ? Chacun garde en mémoire l’affaire des écoutes téléphoniques pendant la présidence Mitterrand où la vie privée de journalistes ou d’acteurs de cinémas, était étalée au grand jour. Alors comment croire aujourd’hui qu’on serait mieux protégé de ce genre de dérive ?

Mais ce qui revient sans doute le plus souvent, c’est la crainte d’une utilisation de ce dispositif contre les luttes sociales ou les personnes en situation irrégulière. En effet, rien de plus facile que de filmer les militants de Resf (Réseau éducation sans frontière) qui défendent un parent sans-papier à la sortie de l’école, ou ceux qui, membres de Jeudi Noir ou de Droit au logement, occupent des appartements et des immeubles vides.

Dans ce débat, la gauche parisienne se fait le plus souvent discrète. Ce plan caméra faisait partie du programme municipal de Delanoë. Georges Sarre, élu de Paris, l’approuve avec force. Certains maires d’arrondissement, s’ils se sentent soutenus par une partie de leurs habitants, la partie silencieuse, redoutent d’être en butte aux critiques virulentes des associations de défense des libertés, celles-là même qui les avaient soutenus lors des municipales de 2008. Sans compter les partis politiques à gauche de la gauche ou des Verts, farouchement opposés à une mise en coupe filmée de la vie parisienne. Des divergences s’accumulent entre les Parisiens et l’équipe municipale. Une situation d’autant plus inconfortable que le maire de Paris semble à court d’inspiration pour redonner un élan à la capitale. Et la sortie du brouillard n’est certainement pas à attendre de l’embrouillamini du projet Paris-métropole.

Françoise Galland

Télécharger la pétition « Non aux caméras de vidéosurveillance dans nos quartiers » initiée par la Commune libre d’Aligre :