Après deux ans de lutte, dont huit mois de grève, une vingtaine de femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris, ont obtenu des revalorisations salariales et de meilleures conditions de travail. Parmi les ingrédients de leur victoire : la caisse de grève, alimentée par des solidarités multiples et le savoir-faire syndical de la CGT. Mais aussi les moments intenses – et parfois difficiles – passés ensemble. Au fil du temps et des adversités, les liens se resserrent et l’envie de gagner se renforce.
Transmettre ce qui marche, et ce qui ne marche pas
« J’ai des très bons souvenirs qui nous ont fait tenir et qui nous amenés à des victoires réelles et objectives mais aussi à nos petites victoires personnelles intimes dont on ne parle pas forcément, raconte Christelle H., Gilet jaune à Saint-Nazaire. J’ai vu des copines prendre confiance en elles, développer des projets professionnels, oser prendre des virages dans leurs vies. »
Rarement racontée, cette complexité des luttes – faites de hauts et de bas – devrait être transmise plus souvent, pense la militante et journaliste Juliette Rousseau : « Souvent, on a l’impression que transmettre quelque chose d’inspirant, c’est faire de la propagande, c’est raconter des histoires de victoires homogènes, binaires. On laisse de côté que c’est beaucoup plus complexe que ça. On aurait intérêt à transmettre ces histoires pour ce qu’elles sont ; et cesser de raconter des histoires de victoires uniformes ou très personnifiées. »
Créer du commun, se rencontrer
Il est d’autant plus important d’avoir des luttes joyeuses que le climat politique et social est particulièrement lourd. Immobilisme ou mépris face aux propositions portées par la société civile, petites phrases humiliantes envers les plus précaires, lois répressives, violences policières : ceux et celles qui se mobilisent sont confrontées à des obstacles sans cesse plus nombreux. À cela s’ajoute la pandémie de coronavirus et l’état d’urgence sanitaire qui restreignent les accès à l’espace public et les possibilités de se réunir.
« La féministe argentine Véronica Gago dit qu’une des clés des luttes féministe d’Amérique latine, c’est la réappropriation de la grève mais aussi les assemblées où, selon elle, il y a la rencontre des corps. Ce sont des espaces où on est dans le faire, dans le dire, on est dans l’ajustement, dans les nuances. Et justement c’est ça qui nous manque peut-être », suggère Youlie Yamamoto, militante à Attac.
Avec : Christelle H. Gilet jaune au sein du groupe de Saint-Nazaire, membre des Amajaunes ; Juliette Rousseau, militante et journaliste, autrice de Lutter ensemble, pour de nouvelles complicités politiques (Éditions Cambourakis) et Youlie Yamamoto, militante à Attac, animatrice du collectif féministe Les Rosies.
Production : Martin Bodrero, Tristan Goldbronn, Erwan Manac’h, Nolwenn Weiler
Animation : Tristan Golbronn et Nolwenn Weiler
Réalisation : Adel Ittel El Madani
Visuel de Une : photo Louise Rocabert pour basta! ; montage Nathalie Quiroga.
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Et dans vos kiosques ce jeudi 2 septembre : l’hebdomadaire Politis
– À écouter chaque semaine : l’émission « Penser les luttes » de Radio Parleur
Rendez-vous le jeudi 7 octobre pour un prochain « Penser les Luttes » commun Basta!, Radio Parleur et Politis.