Journalisme

Pollutions chimiques : rendre visible un grave problème de santé publique

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par Nolwenn Weiler

Invisible et insidieuse, la pollution chimique envahit nos vies dans nos besoins les plus élémentaires : l’air que nous respirons et les aliments que nous mangeons. Ses conséquences, maladies chroniques et affections létales, touchent toutes les populations, et nourrissent une inquiétude grandissante. Il est toujours plus urgent d’agir et d’alerter.

Pourquoi répéter, à longueur d’enquêtes, de reportages et d’interviews que nous sommes tous et toutes exposé.es à un cocktail détonnant de produits chimiques ? Parce que c’est un (très) grave problème de santé publique, négligé par les autorités sanitaires. « En France, les politiques de prévention sont entièrement tournées vers les comportements individuels, avec des messages autour du tabac, de l’alcool et de l’alimentation. Cela me parait très insuffisant », nous dit ainsi Pierre Souvet, médecin, cofondateur de l’Association santé environnement France (Asef).

Difficile à tracer, parce que venant de divers endroits (pollutions automobiles, pesticides, plastiques divers...), cette « pression chimique » pèse sur les corps, les affaiblit et les rend malades, comme en témoigne l’explosion du nombre de maladies chroniques (cancers, diabète, obésité...). « Ce n’est pas seulement l’effet du vieillissement, décrypte André Cicolella, président du Réseau environnement santé, dans un entretien revenant sur l’épidémie de coranavirus. C’est la conséquence des changements environnementaux. »

Parler de la pollution chimique qui envahit nos vies, c’est aussi rendre visibles les invisibles, et notamment les personnes malades des pesticides, dont le nombre explose dans le milieu agricole. Après des années de silence, ces personnes commencent à parler, et veulent dire ce qu’il en coûte de faire croire aux gens que ces produits sont inoffensifs. « On nous disait que ce n’était pas dangereux du tout », se souvient Jean-Claude, technicien dans une coopérative agricole pendant trente ans, en évoquant un herbicide désormais interdit. Aujourd’hui, Jean-Claude est atteint de la maladie de Parkinson, comme des milliers d’autres travailleurs du secteur agricole.

Autres victimes de la piètre qualité de nos environnements : les enfants

Autres victimes de la piètre qualité de nos environnements : les enfants. Plus de 2000 d’entre eux déclarent un cancer chaque année. Selon les autorités sanitaires, ce chiffre est stable. Mais certains territoires, comme celui du secteur de Sainte-Pazanne en Loire Atlantique, semblent plus touchés que d’autres. Là-bas, 24 enfants sont tombés malades depuis 2015, cinq sont morts. Les parents qui cherchent à comprendre ce qu’il se passe se sentent méprisés. Pourtant, identifier les causes des maladies est ce qui permet de passer à l’action, ensuite. De ce point de vue, nos dirigeants sont loin, très loin, des aspirations de la population.

À rebours des prises de conscience et des désirs de changement qui se sont manifestés au sortir du premier confinement, le gouvernement s’entête. En autorisant, par exemple, les betteraviers à utiliser des néonicotinoïdes, ces insecticides qui contribuent à la disparition des pollinisateurs. Ou en relayant des concepts créés par les tenants de l’agro-business, qui prétendent que les agriculteurs sont victimes d’« agri-bashing ». « C’est faux, témoigne l’un d’eux. La population n’est pas contre nous. Elle s’interroge à raison sur les effets de certains choix. »

S’élever contre les géants de la chimie requiert beaucoup de courage. Paul François, qui vient de remporter une victoire définitive contre Monsanto, peut en témoigner après 13 ans de combat judiciaire. Relayer les questions qui émergent, raconter les victoires de ceux et celles qui se battent, permet d’ouvrir des possibles, et d’espérer collectivement que nos quotidiens s’améliorent, à commencer par ceux des plus fragiles, en première ligne face à la pollution chimique.

Nolwenn Weiler