Lanceurs d’alerte

Procès Luxleaks : « Monsieur Hollande, de quel côté êtes-vous ? »

Lanceurs d’alerte

par Collectif

Le procès du lanceur d’alerte Antoine Deltour et du journaliste Edouard Perrin, qui ont révélé le scandale LuxLeaks, débute le 26 avril au Luxembourg. Ils risquent de lourdes amendes et peines de prison pour avoir simplement divulgué des informations sur un vaste système d’évasion fiscale. Le collectif de journalistes « Informer n’est pas un délit » interpelle le président de la République François Hollande : a-t-il l’intention de soutenir ses deux concitoyens, qui ont diffusé des informations relevant de l’intérêt général ?

Monsieur le Président de la République,

Mardi 26 avril s’ouvre le procès LuxLeaks. Deux de vos concitoyens sont poursuivis par la justice luxembourgeoise pour avoir informé le monde entier des pratiques fiscales douteuses mises en œuvre par le Grand Duché et permettant aux entreprises d’échapper à leur impôt, notamment en France. Un sujet qui vous est cher, puisque comme vous le déclariez en 2012, votre adversaire « c’est le monde de la finance ».

Antoine Deltour est lanceur d’alerte. Edouard Perrin est journaliste. Sans eux, pas d’information. Sans leur courage, les dizaines de millions de lecteurs ou téléspectateurs de 80 médias ayant relayé et poursuivi les investigations dans plus de 26 pays via le consortium international des journalistes d’investigation ICIJ, n’auraient pu être informés.

Bientôt des centaines d’Antoine Deltour ?

La justice luxembourgeoise leur reproche de ne pas avoir respecté le « secret des affaires ». Ce fameux « secret des affaires » qu’une majorité de parlementaires européens a choisi récemment d’ériger en principe à travers le vote d’une directive qui permettra de poursuivre systématiquement et massivement désormais tous les Antoine Deltour et Edouard Perrin de l’Union européenne.

À moins que la France et d’autres pays, via le Conseil des États membres ne bloquent dans les semaines qui viennent cette directive dangereuse. Mais encore faut-il avoir la volonté de défendre – avec sincérité – la liberté d’informer et le droit de savoir de 500 millions d’Européens.

Il y a deux semaines, le scandale « Panama Papers » s’affichait à la une de 109 publications dans le monde. Comme vous, nous étions choqués par ce vaste système d’optimisation fiscale des plus grandes compagnies qui ne jouent pas le jeu de la solidarité devant l’impôt.

Bientôt un soutien présidentiel pour les lanceurs d’alerte ?

A juste titre, vous affirmiez au lendemain de ces révélations d’une ampleur sans précédent : « Je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse qui s’est mobilisée (…) c’est grâce à un lanceur d’alerte que nous avons ces informations (…) ils prennent des risques, ils doivent être protégés ».

Voilà pourquoi nous souhaiterions vous entendre dire la même chose à l’endroit d’Antoine Deltour et d’Edouard Perrin. Ils risquent de lourdes condamnations, et pourtant l’ensemble de notre société leur doit beaucoup.

Ni vous, ni aucun membre de l’exécutif français ou européen n’a encore affirmé son soutien à nos courageux concitoyens. Comment rester silencieux plus longtemps ? Il est temps de se prononcer.

Le Collectif « Informer n’est pas un délit » [1].

 Le site du Comité de solidarité avec Antoine Deltour et Edouard Perrin au Luxembourg

Notes

[1Le collectif s’est formé en janvier 2015, à la suite du projet de loi du gouvernement français censé soutenir la croissance et contenant un volet sur « le secret des affaires » qui menaçait gravement la liberté d’informer. Il rassemble de nombreux journalistes issus de la presse écrite, de la radio, de la télévision et de l’Internet.