Santé publique

Protéger la population des pesticides : que proposent les candidats ?

Santé publique

par Sophie Chapelle

Plus de 68 000 tonnes de pesticides ont été épandues en France en 2015. Une tendance à la hausse depuis 2009, selon le ministère de l’Environnement [1]. Alors que les gouvernements successifs ne parviennent pas à réduire l’usage des pesticides (notre enquête sur les raisons de cet échec), et que les preuves de leurs effets néfastes s’accumulent, en particulier dans l’apparition de cancers, quelles sont les propositions des candidats à la présidentielle en la matière ?

Les quatre candidats ouvertement « de gauche » – Nathalie Arthaud, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou – n’ont pas fait le déplacement le 30 mars dernier au congrès de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire [2]. L’encadrement drastique de l’utilisation des phytosanitaires préconisée par ces candidats aurait sans doute suscité quelques vociférations dans l’auditoire.

Se prononçant en faveur d’« une agriculture écologique et paysanne », Jean Luc Mélenchon veut interdire les pesticides « les plus dangereux pour la santé humaine et pour l’environnement », en commençant par une interdiction immédiate du glyphosate et des néonicotinoïdes, famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes [3]. Le candidat de la France insoumise préconise une taxation croissante des intrants chimiques ainsi qu’une réorientation des subventions de la politique agricole commune vers le soutien à la transition écologique de l’agriculture. De son côté, Benoît Hamon annonce l’interdiction immédiate des pesticides dangereux et des perturbateurs endocriniens « pour prévenir les effets nocifs de ces substances sur la santé » [4]. Et veut remplacer progressivement les pesticides par des solutions alternatives (notre enquête sur les différentes pistes pour sortir des pesticides).

François Fillon, candidat de l’agrobusiness

A l’inverse des programmes de Mélenchon et Hamon, François Fillon propose lui de « libérer l’agriculture du carcan des normes » [5]. « Aux distorsions sociales et fiscales s’ajoutent les distorsions sanitaires et environnementales », s’insurge t-il dans son programme, appelant à la suppression du principe de précaution (notre enquête). François Fillon critique aussi la position de la France dans le dossier glyphosate – le pays s’est abstenu lors du renouvellement de son autorisation, contre l’avis de la Commission européenne et d’autres États-membres -, ou encore l’interdiction il y a un an de l’insecticide diméthoate sur les cultures de cerises.

Dans un courrier à l’Unaf, l’Union nationale de l’apiculture française, il assure vouloir protéger les pollinisateurs tout en expliquant que « la simple interdiction des néonicotinoïdes ne sera pas une garantie suffisante », et que « les solutions de remplacement sont parfois plus néfastes que les précédentes » [6]. Les abeilles apprécieront... Lors de son intervention devant la Fnsea, François Fillon appelle même à « corriger les erreurs du Grenelle de l’environnement », dont il est pourtant l’un des instigateurs, et conclut sur une phrase empruntée à Georges Pompidou : « Il faut arrêter d’emmerder les agriculteurs » [7].

L’ambiguïté d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen

Emmanuel Macron propose de réunir tous les acteurs de la filière alimentaire afin d’élaborer un agenda des solutions dans le cadre d’un « Grenelle de l’alimentation ». « Nous y définirons un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives », avance t-il dans son programme [8]. Refusant de trancher en faveur d’un modèle agricole, il a affirmé lors du congrès de la FNSEA qu’il existerait « toujours plusieurs agricultures : ces modèles doivent pouvoir cohabiter de manière libre ». Le candidat du mouvement En Marche ! a toutefois insisté sur sa proximité particulière avec le combat porté par Xavier Beulin, l’ancien président de la FNSEA décédé en février dernier, qui préconisait la « liberté » des pratiques de l’agriculteur.

Marine Le Pen propose de « simplifier le quotidien des agriculteurs en stoppant l’explosion des normes administratives », mais n’aborde pas dans son programme la question des pesticides [9]. Interrogée lors du congrès de la FNSEA sur une éventuelle « fin de l’usage des produits phytosanitaires », Marine Le Pen a tenu à rassurer : si elle est élue, elle s’inscrira « dans le concret » et fera « attention à ne pas interdire un produit avant que les utilisateurs ne disposent d’une solution de remplacement (...) afin ne pas créer de concurrence déloyale supplémentaire ». Également interpellée sur sa préférence affichée pour l’agriculture paysanne devant la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Marine Le Pen a botté en touche, affirmant défendre « le modèle agricole français, c’est à dire le modèle d’exploitation familiale ». Comprenne qui pourra...