Transparence ?

Qualité de l’eau : savez-vous ce que vous buvez ?

Transparence ?

par Nolwenn Weiler

Les habitants de Rouen, inquiétés en début de semaine par l’échappement d’un gaz toxique de l’usine Lubrizol, seront heureux d’apprendre qu’ils sont amenés à boire du chlortoluron, un herbicide très toxique, à des concentrations dépassant les seuils réglementaires. Et ce, jusqu’au 13 février 2015. Dans certaines communes, ce sont parfois une vingtaine de produits toxiques qui sont ainsi « autorisés » à des concentrations supérieures aux normes. Dans l’Orne, non loin de Condé-sur-Noireau, les habitants peuvent ainsi se désaltérer, jusqu’au 8 février 2013, avec un charmant cocktail de nickel, d’acétochlore, d’atrazine, de glufosinate ou de bromoxilyne... Autant de substances actives contenues dans des pesticides. A Perpignan ou dans le Val-d’Oise, au Nord de Paris, ce sera plutôt un dérivé du perchloroéthylène, un cancérogène très puissant, utilisé dans certaines industries, qui vous abreuvera.

Ces concentrations hors normes ne sont pas hors la loi. Elles sont permises par des dérogations préfectorales. Parmi les raisons qui justifient le contournement de la règlementation : « L’utilisation de l’eau ne constitue pas un danger pour la santé des personnes » ou encore « il n’existe pas d’autres moyens « raisonnables » pour maintenir la distribution ». C’est ce que révèle une enquête publiée par France Libertés et 60 millions de consommateurs à l’automne 2012. Plus de 1 000 dérogations sont recensées, sur 419 communes.

« Opération Transparence »

Parmi les départements les plus laxistes à l’égard de la santé de leurs habitants, la Seine-et-Marne arrive en tête, avec plus de trente dérogations en cours, suivie par le Val d’Oise, l’Orne, le Calvados, la Seine-Maritime et l’Essonne. Une trentaine d’autres départements affichent aux alentours de cinq dérogations. « Pourquoi certains départements sont-ils beaucoup plus touchés que d’autres, comme celui de Seine-et-Marne qui concentre presque un tiers du nombre de dérogations ? 
Comment, à l’inverse, d’autres régions, comme la Bretagne ou encore le département de l’Oise, parviennent-elles à n’avoir besoin d’aucune dérogation ? », s’interrogent France Libertés et 60 millions de consommateurs.

Pour en finir avec cette opacité, les deux associations invitent les particuliers à interroger leurs élus sur d’éventuelles dérogations en cours et à faire remonter l’information sur leur site collaboratif. Les résultats de cette enquête sur la qualité de l’eau seront publiés le 22 mars 2013. Quelles nouvelles surprises attendent les consommateurs ? L’année dernière, le premier volet de cette « Opération Transparence » (qui s’attachait au prix de l’eau) avait mis en évidence un service inéquitable. Les disparités de prix vont ainsi de 1 à 7 selon les communes.

Une conception bien française de la gestion de l’eau, que se partagent principalement trois géants nationaux : Veolia, Suez et la Saur. Près 80 % du marché de la production et de la distribution d’eau, et 55 % du marché de l’assainissement des eaux usées sont entre leurs mains. Face à cette situation d’oligopole, la gestion en régie publique, que de plus en plus de communes choisissent. En général, l’eau gagne en qualité et les factures en transparence.