Réforme de la santé

Remise en cause de l’accès aux soins pour tous

Réforme de la santé

par Ivan du Roy

Alors que les discussions sur le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » débutent à l’Assemblée nationale, un collectif d’associations s’inquiète de la remise en cause de « l’accès aux soins pour tous ». L’article 18 du projet de loi donne la possibilité aux patients de présenter un recours en cas de refus de soins. Il permet « à toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime de présenter, à l’autorité ou à la juridiction compétente, les faits qui permettent d’en présumer l’existence. » On sait que certains médecins libéraux, et en particulier les spécialistes, ont tendance à refuser les bénéficiaires de la CMU ou de l’Aide médicale d’Etat. Un tel dispositif leur fera courir le risque d’une amende.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a cependant retenu un amendement « visant à supprimer l’aménagement de la charge de la preuve, sous prétexte que ce dernier risquerait de faire exploser les contentieux ou les « procès d’intention » vis-à-vis des professionnels de la santé. », déplorent ensemble Act-Up, l’Association des paralysés de France (APF), la Croix rouge française, Médecins du monde, l’Uniopss (Union des associations pour développer les solidarités en France) ou le Secours Catholique.

Les sanctions prévues en cas de refus de soins présumé – et prononcées par les Caisses d’assurance maladie – seraient remplacées par une conciliation entre les Caisses et le Conseil de l’Ordre des médecins. Or, « les Ordres professionnels n’ont pas suffisamment veillé à faire respecter les obligations des médecins en la matière », a indiqué le rapporteur de la loi, le député Jean-Marie Rolland (UMP, Yonne), lui-même médecin généraliste. « Chacun sait que les refus de soins, et notamment ceux à l’encontre des bénéficiaires de la CMU et de l’AME, sont nombreux, récurrents et presque jamais sanctionnés alors même que ces pratiques sont contraires à la loi et au code de déontologie », rappellent les associations.

L’amendement répond à la préoccupation de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), principal syndicat des médecins libéraux, qui demande « la suppression de la présomption de preuve du refus de soins en faveur des assurés sociaux. » Ceux-ci ne pourront donc plus protester, sauf à enregistrer la moindre conversation, y compris téléphonique, avec un médecin ou son secrétariat pour prouver qu’ils sont l’objet d’une discrimination sociale.

Selon le CSMF, l’article 18 de la loi aurait favorisé « la stigmatisation des médecins à travers la pénalisation excessive et déséquilibrée des refus de soins, et le rétablissement d’une permanence des soins sous contrainte. » Bref, pour le syndicat, ce ne sont plus les bénéficiaires de la CMU - qui ont des revenus inférieurs à 7.450 euros par an - qui sont stigmatisés lorsqu’on leur refuse poliment un rendez-vous, mais les pauvres médecins libéraux - 87.000 euros annuels en moyenne dans le secteur conventionné à honoraires libres (secteur 2). Le CSMF adore jouer les victimes lorsqu’il apparente « à une double peine » le fait de rendre public dans la presse une sanction prononcée contre un médecin.

« Du point de vue des usagers, l’aménagement de la charge de la preuve tel que prévu dans la version initiale du projet de loi est essentiel. Nous en appelons solennellement à la représentation nationale pour améliorer le dispositif de lutte contre le refus de soins », lancent les associations, dont une partie sont membres du Collectif inter-associatif, qui a en parallèle formulé 25 propositions d’amendements.