Arctique

Trente « prisonniers climatiques » toujours détenus en Russie

Arctique

par Sophie Chapelle

Le 9 octobre, trois grimpeurs de Greenpeace sont descendus en rappel depuis le toit du siège parisien de la multinationale russe Gazprom. Ils ont déployé une bannière sur laquelle était inscrite « Free The Arctic 30 » (Libérez les 30 de l’Arctique). Car bien plus à l’Est, vingt-huit militants, un photographe et un cadreur indépendant entament aujourd’hui leur 22e jour de détention à Mourmansk, au Nord de la Russie, au-delà du cercle polaire arctique. Ils sont accusés d’acte de piraterie en groupe organisés et ont été placés pour deux mois en détention préventive. « Ils encourent jusqu’à 15 ans de prison pour avoir voulu s’interposer contre un crime environnemental », s’insurge Greenpeace.

L’ONG avait dépêché fin août son navire « Arctic Sunrise » dans l’Arctique russe pour protester contre les projets d’exploitation pétrolière dans la région. Le 18 septembre, des militants ont escaladé la plate-forme Prirazlomnaïa, exploitée par la compagnie russe Gazprom. Le lendemain, l’Arctic-Sunrise a été pris d’assaut par un commando des forces spéciales russes et remorqué jusqu’à Mourmansk. Une enquête pour « piraterie » a été ouverte contre les trente membres de l’équipage, ressortissants de 18 pays, dont six Britanniques, deux Canadiens et un Français, ainsi qu’un photo-reporter, Denis Sinyakov. « En portant contre le photographe et les activistes une accusation aussi absurde que celle de "piraterie", le Comité d’enquête russe criminalise le journalisme aussi bien que le "militantisme" », a aussitôt réagi l’association Reporters sans Frontières.

« Défendre le climat n’est pas un crime, c’est une nécessité ! », souligne Greenpeace, qui rappelle que Prirazlomnaya est la première plateforme pétrolière à forer dans les eaux glacées de l’Arctique. Cette zone de plus de six millions de kilomètres carrés renfermerait 13 % des ressources mondiales de pétrole (90 milliards de barils, soit trois ans de consommation mondiale) et 30 % de celles de gaz naturel (47 000 milliards de m3, soit six ans de consommation), essentiellement en Russie et en Alaska, selon une étude de l’Institut de géophysique américain de 2008. Un potentiel qui attire les convoitises de la Russie, deuxième producteur d’or noir de la planète après l’Arabie saoudite.

Les projets de forages ont jusque-là été ralentis par leurs coûts exorbitants, l’accès aux zones d’exploitation ne pouvant se faire que sur de très courtes périodes, essentiellement de juillet à octobre quand la banquise s’est retirée. Greenpeace pointe également le manque de sûreté de la plateforme et énonce le bilan catastrophique de la Russie en matière de marées noires. Le pays répandrait tous les deux mois dans l’environnement une quantité de pétrole équivalente à celle qui s’est échappée lors de la catastrophe de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique...

Depuis plusieurs jours, les manifestations de soutien aux “Arctic30” se multiplient à travers le monde (voir la vidéo). Plusieurs milliers de personnes dans quelque 47 pays, dont la France, ont manifesté le 5 octobre pour réclamer leur libération. Le directeur exécutif de Greenpeace France, Jean-François Julliard, a adressé un courrier à François Hollande « afin de lui demander solennellement d’intervenir en faveur de la libération des militants », écrit l’ONG. « Il s’agit de la plus grave atteinte contre nos activités pacifiques depuis que les services secrets français ont coulé le ’Rainbow Warrior’ en Nouvelle-Zélande, en 1985. »

[Mise à jour] : La justice russe a autorisé le 26 novembre 2013 la remise en liberté sous caution du 30e et dernier membre de Greenpeace. Après avoir été initialement poursuivis pour piraterie – des charges abandonnées depuis –, les 30 sont inculpés de vandalisme et sont passibles d’une peine maximale de sept ans de prison.

Photo : © Denis Sinyakov

P.-S.

Pour aller plus loin : Signez la pétition (ici) de Greenpeace demandant la remise en liberté de toutes les personnes à bord de l’« Arctic Sunrise ».