« Il fait partie de la famille. C’est comme si c’était notre petit », annonce Éric Durupt, habitant de Loudes, une petite commune en Haute-Loire. Avec sa compagne, Véronique de Marconnay, ils accueillent Madama Diawara depuis deux ans. Ce jeune réfugié malien de 19 ans est aujourd’hui menacé d’expulsion. Il est arrivé en France en 2018. Après que l’Aide sociale à l’enfance ait refusé de reconnaître, à l’époque, sa minorité, le juge des enfants l’a tout de même confié à des tiers.
Madama a commencé un CAP ouvrier agricole en septembre 2020, après avoir suivi d’autres formations. Rapidement, il fait face à un obstacle : pour être apprenti, il faut une autorisation de travail délivrée par la direction du travail. Pour cela, il est nécessaire de posséder un titre de séjour. « Là ont commencé tous les problèmes avec la préfecture de Haute-Loire, explique Éric Durupt. On nous demandait à chaque fois de nouveaux papiers et à chaque fois ce n’étais pas suffisant. Il a eu un périple compliqué à travers le désert puis il a survécu à la traversée de la Méditerranée, alors il avait peu de papiers sur lui. »
« La préfecture est plus que limite dans ses démarches »
Par manque d’information, des papiers sont demandés à la mère de Madama. Elle envoie depuis le Mali un extrait d’acte de naissance, mais après une expertise de la Police aux frontières, celle-ci conclut que le papier est faux : « À partir de là, la préfecture ne répondait plus, nous disait d’attendre. Madama n’y est pour rien, il n’a jamais eu ces papiers entre les mains ». C’est finalement par voie de presse, dans un article du journal local L’Éveil de la Haute-Loire que le jeune réfugié apprend la mauvaise nouvelle : pas de régularisation. Éric Durupt déplore la longueur et la complexité de la procédure : « La préfecture est plus que limite dans ses démarches. Elle va proposer un retour volontaire. S’il refuse, ce sera probablement une OQTF, c’est à dire une obligation de quitter le territoire français. »
Madama doit commencer un apprentissage auprès d’éleveurs ovins en bio, chez qui il a déjà effectué un stage. « Ça s’était très bien passé, explique l’agricultrice qui souhaite rester anonyme. Évidemment on le soutient. On lui a promis de signer son contrat dès qu’il aura les papiers, on ne prend personne d’autre en attendant. Pour Éric et Véronique, c’est un déchirement qu’il puisse repartir dans son pays. C’est compliqué à vivre pour eux ».
Une grève de la faim pour que Madama obtienne « une carte de séjour le plus vite possible »
Pour attirer l’attention sur la situation de Madama, Éric Durupt entame une grève de la faim le 31 janvier. « Mon souci premier, c’est Madama. Ce que je fais ce n’est pas grand-chose par rapport à ce qu’il risque, détaille-t-il. Là, c’est très dur pour lui. Il est suspecté en permanence, on doute de son identité. La préfecture oublie, enfin elle s’en fiche, que c’est lui la victime. »
Pour le gréviste de la faim, la fatigue commence à se faire ressentir mais la tension le fait tenir. Son engagement fait écho à celui de Stéphane Ravacley. Boulanger à Besançon, il était entré en grève de la faim le 3 janvier pour que son apprenti, Laye Fodé Traoré, d’origine guinéenne, ne soit pas expulsé. Le 14 janvier dernier, ils ont obtenu gain de cause. « J’ai eu Stéphane au téléphone, poursuit Éric Durupt. Il m’a donné quelques conseils sur la grève de la faim : comment la commencer et boire beaucoup d’eau par exemple. Pour l’instant je ne me pose pas de questions. Ce que je souhaite, c’est que Madama obtienne une carte de séjour le plus vite possible ».
Une mobilisation a été lancée, avec une pétition qui a atteint plus de 3000 signatures [1]. « On a son école et les agriculteurs qui nous soutiennent. Nous sommes aussi en lien avec une avocate, ajoute Éric Durupt. Tout ça nous tient énormément à cœur. Le cas de Madama n’est bien sûr pas unique. Il y en a des milliers en France. Notre objectif est de faire réagir l’opinion publique mais surtout les institutions ».
Noan Ecerly, avec Sophie Chapelle