Quatre accidents mortels liés à la chasse ont été comptabilisés depuis début septembre [1]. L’une de ces victimes n’était pas un chasseur mais circulait à VTT sur une piste en lisière d’un bois, en Haute-Savoie, lorsqu’elle a été atteinte par un tir. Le drame s’est produit le samedi 13 octobre vers 18h lors d’une battue au gros gibier organisée par des chasseurs locaux.
D’après l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONFCS), parmi les accidents mortels comptabilisés l’année dernière (entre le 1er juin 2017 et le 31 mai 2018), trois concernaient des « non chasseurs » [2]. Le 17 septembre 2017, un enfant de 13 ans est tué d’un coup de fusil en pleine tête par son grand-père au cours d’une partie de chasse près de Luçon, en Vendée. Le 14 octobre 2017, un chasseur aveyronnais tire au travers d’une haie épaisse sur une femme de 69 ans qui se trouvait dans son jardin, croyant viser un cerf. Le 16 décembre 2017, un randonneur vauclusien est tué à Taulignan, dans la Drôme.
Du côté des chasseurs, treize décès sont à déplorer depuis le 1er juin 2017 [3].
Les non-chasseurs représentent un tiers des victimes d'accidents de chasse mortels !!
71 % des Français se sentent en insécurité en se baladant dans la nature :@EmmanuelMacron écoutez les citoyens et répondez à notre demande pour faire réformer la chasse ! pic.twitter.com/iiGYedw7Zw— ASPAS (@ASPASnature) 18 décembre 2017
A ces accidents mortels s’ajoutent des dizaines d’accidents ayant fait des blessés graves ou légers ces derniers mois. La page facebook « accidents de chasse » assure une recension quotidienne sur la base d’articles de la presse locale. Le 20 octobre, un VTTiste a été grièvement blessé par le projectile d’une arme de chasse, à Mirepoix en Ariège, lors d’une battue au sanglier. Le 16 septembre, une fillette de dix ans a ainsi été grièvement blessée près de Limoges, alors qu’elle pique-niquait avec ses parents en bords de Vienne. L’homme, dont le permis de chasse n’était plus valide, aurait visé un faisan... Certaines familles ont parfois plus de peur que de mal, des balles perdues perforant le mur de leur maison [4]. Les animaux de compagnie – chiens, poneys... – sont aussi des victimes collatérales de la chasse.
113 accidents de chasse lors de la saison 2017-2018
D’après l’ONFCS, la tendance des accidents de chasse serait pourtant à la baisse depuis près de 20 ans. L’Office comptabilise 113 accidents de chasse pendant la saison 2017/2018, contre 143 lors de la saison précédente. Ce chiffre serait le plus bas jamais observé depuis la fin des années 1990. Selon l’établissement public, la très grande majorité des accidents restent liés à un manquement aux règles élémentaires de sécurité, en particulier le non-respect de l’angle de sécurité de 30°, qui consiste à ne pas tirer dans une zone où un projectile pourrait atteindre un comparse lors d’une battue. La deuxième cause est celle du tir sans identification. En clair, le chasseur entend un bruit ou voit une ombre, et appuie sur la gâchette... Enfin, l’ONFCS pointe la mauvaise manipulation de l’arme.
Pour réduire le nombre d’accidents, l’Office public met en avant la formation à l’examen du permis de chasser. Les règles de sécurité auraient été renforcées avec la mise en place depuis 2002 d’une épreuve pratique lors du permis de chasse qui confronte les candidats aux situations les plus accidentogènes. Mais cette mesure n’est pas suffisante selon l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). Alors que le permis de chasser est aujourd’hui obtenu à vie, l’Aspas souhaite « un examen des capacités psychologiques et physiques qui devrait conditionner la validation annuelle du permis de chasser ». L’association demande également « l’interdiction formelle des tirs en direction des habitations/jardins/lieux publics etc. quelle que soit la distance, et l’instauration d’un périmètre de sécurité autour des habitations dans lequel aucun tir ne serait possible ».
« Un prix du permis de chasse divisé par deux sans contrepartie »
L’association a par ailleurs initié une pétition pour que le dimanche devienne un jour de non-chasse [5]). La Fédération des associations de protection de la nature en Auvergne Rhône-Alpes (Frapna), va plus loin. Elle demande aux pouvoirs publics d’interdire la chasse les mercredi, samedi et dimanche. « Combien faudra-t-il de morts avant qu’on interdise la chasse les jours où il y a le plus de promeneurs, de familles, de sportifs, dans la nature ? », interroge t-elle, rappelant que les chasseurs représentent, avec 1,2 millions d’adhérents, seulement 1,5 % de la population française. Une idée balayée par la Fédération nationale de chasse selon laquelle « la majorité des chasseurs travaillent la semaine et n’ont que le week-end pour s’adonner à leur loisir » [6].
Mélanie Lavy, dont le mari a été tué en décembre 2015 d’une balle dans la tête alors que le couple se promenait au pied du massif du Semnoz en Haute-Savoie, vient de rendre publique une lettre ouverte à Emmanuel Macron, l’interpellant sur sa décision début de septembre « de rendre le permis de chasse encore plus accessible en divisant son prix par 2, sans aucune contrepartie au niveau de notre sécurité et de notre liberté ». Elle demande la mise en œuvre de règles et d’un encadrement stricts.
Or, la récente démission de Nicolas Hulot a notamment été motivée par la présence du lobby de la chasse dans les cercles de l’exécutif (notre enquête). Pas sûr dans ces conditions que les demandes des associations et citoyennes visant à encadrer davantage l’activité de la chasse soit entendue durant ce quinquennat. Suite à la mort du vététiste en Haute-Savoie, le maire de Montriond a pris un arrêté pour interdire momentanément la pratique de la chasse sur le territoire de sa commune. Pour le reste du territoire et jusqu’au 20 février 2019, date de fermeture de la chasse, les citoyens sont appelés à être vigilants...
Sophie Chapelle
Photo de Une : page facebook Envoiedugros